Page créée le 9 mars 2021
mise à jour le 18 octobre 2021


Une méthode de répartition des contributions parentales et de calcul de la pension alimentaire

Ce document est une présentation détaillée et argumentée de la méthode de répartition des contributions parentales et de calcul de la pension alimentaire proposée par masculinités.fr.

Une version plus condensée, focalisée sur la mise en pratique, a été mise en ligne. Nous vous invitons à vous y reporter.

D’autre part, masculinités.fr a mis en ligne un prototype de formulaire de calcul de pension alimentaire.

La loi met en avant un principe de coparentalité des parentés séparés. Cela est certes bon. Mais encore faudrait-il qu’on ne retire pas à tant d’entre eux les moyens de l’exercer.

Nous proposons dans cette page une méthode de répartition des contributions des parents et de calcul de la pension alimentaire. 

Il est important de préciser que ce que nous proposons n’est pas un modèle de calcul de la pension alimentaire comme peut l’être par exemple le barème des pensions alimentaires du Ministère de la Justice. Un tel barème qui repose sur des modèles globaux de chiffrage du coût de l’enfant et ne prend en considération qu’un nombre très réduit de paramètres ne peut qu’être grossier et injuste. Les couples parentaux catégorisés dans une même case de ce barème recouvrent des situations extrêmement diverses quant au niveau d’investissement de chacun des parents auprès de l’enfant, et la logique institutionnelle de modulation par le juge en fonction de l’instance est manifestement déficiente (voir notre page consacrée à l’iniquité de pensions alimentaires).

Nous pensons que le principe même d’un barème des pensions alimentaires est une erreur. Il est nécessaire de coller au plus près de l’instance, de la réalité des situations, ce qu’aucun barème ne peut faire.

C’est pourquoi nous proposons une méthode, et non pas un modèle ou un barème.

Le fondement notre travail est l’article 371-2 du code civil. Celui-ci dispose :

Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.

Le législateur a voulu que l’effort financier des parents soit partagé selon un principe de proportionnalité. Cela paraît souhaitable, juste et équitable.

Ce principe pourtant est violé au quotidien par de nombreux jugements en affaires familiales qui fixent des pensions alimentaires bien trop élevées (voir notre page consacrée à ce sujet, ainsi que plus généralement les pages de notre chapitre intitulé Iniquités financières), une source majeure d’iniquités financières étant la sous-estimation des contributions du parent non résident aux besoins de son enfant (voir notre page consacrée à ce sujet).

Ce principe n’est pas non plus respecté par le barème indicatif des pensions alimentaires du Ministère de la Justice (voir notre page consacrée à ce sujet).

Nous pensons cependant qu’il est possible et souhaitable d’appliquer l’article 371-2 du code civil conformément à son esprit et à sa lettre.

Notre approche consiste à :

a. Constater que dans certains domaines l’effort de contribution des parents aux besoins de l’enfant est de même nature et ne dépend pas du temps de présence de l’enfant. Il convient de cerner les périmètres dans lesquels ces contributions s’équilibrent d’elles-mêmes et sont de fait déjà conformes à l’article 371-2 du code civil.

b. Affirmer que dans certains domaines l’intérêt supérieur de l’enfant réside dans une prise en charge directe de dépenses le concernant par ses deux parents, ainsi plus étroitement impliqués à ses côtés.

c. Ne faire intervenir la pension alimentaire que pour compenser les domaines de la vie de l’enfant qui ne sont pas déjà équitablement pris en charge par chacun des parents (point a) et pour lesquels il n’est pas possible d’organiser une répartition directe des dépenses (point b). C’est uniquement sur ces charges résiduelles que sera nécessaire un chiffrage forcément très imprécis. Un intérêt de notre approche est d’assurer une bien meilleure équité en réduisant autant que possible l’étendue des charges pour lesquelles une évaluation forfaitaire, et donc assez largement arbitraire, est inévitable.

Dans cette optique, nous analysons les besoins de l’enfant selon la décomposition budgétaire de l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF). L’UNAF considère dix postes budgétaires familiaux (budgets types de l’UNAF). Nous étudions dans cette page les contributions respectives de chacun des parents selon ces postes budgétaires, puis nous proposons un modèle général de répartition de la charge des enfants et de calcul de la pension alimentaire.

Préalablement, nous commençons cependant par discuter la question du logement dans l’après séparation. En effet, lorsque des parents se séparent, cette question est primordiale de par son poids dans le budget des ménages et de par ses implications dans le devenir des relations parent-enfant.

La question du logement

L’intérêt de l’enfant est de bénéficier de conditions de logement également satisfaisantes aux domiciles de ses deux parents.

Une telle affirmation semble difficilement contestable. On imagine mal a priori argumenter que l’intérêt de l’enfant serait d’être mal logé chez l’un de ses parents. Cette question du logement pourtant mérite d’être examinée avec attention car elle révèle une idée pernicieuse, rarement exprimée mais bien prégnante : l’inégalité des conditions d’accueil de l’enfant par chacun de ses parents semble aller de soi.

En effet, ce que vivent beaucoup de parents séparés relève d’une très forte inégalité parentale relativement aux conditions d’accueil de leur enfant, avec des situations de mal-logement aux conséquences délétères 1.

Cette inégalité prend sa source :

D’une part dans l’article 373-2-9 du code civil qui prévoit qu’un parent peut être déchu de la résidence de son enfant. Si d’une main la loi théorise l’égalité parentale à travers la notion d’autorité parentale conjointe, dans le même temps, de l’autre main, la justice brise cette pseudo égalité en réduisant une majorité de pères séparés au statut dégradant de parent non résident (voir notre page consacrée à la déchéance de résidence, ainsi que notre page consacrée aux raisons pour lesquelles les pères ne demandent pas la garde de leur enfant).

D’autre part dans des considérations économiques dont les implications sont rarement explicitées.

Lorsqu’un couple parental se sépare, de nombreuses économies d’échelle disparaissent, et parmi celles-ci en tout premier lieu le fait de partager un même logement. Seules les catégories socioprofessionnelles dites supérieures peuvent financer deux logements suffisamment grands pour y accueillir leurs enfants dans de bonnes conditions. Pour la majorité de la population, des contraintes économiques dictent les conditions matérielles de la séparation, et le devenir des enfants.

Ces parents qui se séparent, ainsi que les juges amenés à trancher leurs litiges, sont alors confrontés au dilemme suivant :

1. Accepter des conditions de vie dégradées pour l’enfant.
C’est à ce prix que l’enfant pourra grandir dans une véritable relation filiale avec chacun de ses deux parents. Car répartir équitablement les ressources (et les aides !) entre les parents pour que chacun puisse accueillir au mieux l’enfant et développer avec lui sa relation singulière signifie, puisque la somme de ces ressources est insuffisante, des conditions de vie dégradées pour tous, donc pour l’enfant.

2. Ou bien privilégier un parent, écarter l’autre.
C’est à ce prix que l’enfant pourra bénéficier de meilleures conditions matérielles (insistons sur l’épithète « matérielles » : il serait douteux de qualifier dans l’absolu de meilleures conditions le fait d’amputer un enfant d’un de ses parents). La quasi-totalité des aides est alors attribuée à l’un des parents que l’on qualifie de « résident », ainsi qu’une part des ressources de l’autre parent que l’on étiquette « non résident ». La conséquence en est une forte disparité de conditions de vie. Seul le parent résident conserve les moyens d’accéder à un logement adéquat pour y accueillir et élever des enfants. Le parent non résident, réduit à habiter un logement trop petit (quand il a encore la chance d’avoir un logement !), ne peut y accueillir ses enfants dans des conditions décentes.

Des milliers d’années de civilisation devraient pourtant nous avoir appris qu’on ne choisit pas entre la peste et le choléra, qu’on ne choisit pas entre couper la jambe droite ou bien couper la jambe gauche.

Mais notre civilisation a choisi : couper le père. Sacrifier le père et le relation père-enfant en feignant de croire que l’enfant s’en portera mieux car il aura ainsi plus d’argent pour vivre est une pratique barbare.

L’option qui consiste à privilégier un parent et écarter l’autre étant indigne, humainement indéfendable, nous baserons notre méthode de répartition des contributions parentales et de calcul de la pension alimentaire sur le principe que les deux parents doivent également bénéficier, relativement à leurs niveaux de ressources respectives, de conditions de logement leur permettant d’accueillir leur enfant lorsqu’il est avec eux.

Analyse des contributions respectives des parents selon les postes budgétaires de l’UNAF

Postes budgétaires logement et équipements et mobiliers

Le parent non résident met à disposition de son enfant, au même titre que le parent résident, un espace personnel qui lui est dédié. L’existence de cet espace à soi, chez chacun de ses deux parents, est pour l’enfant un besoin primaire. Que l’enfant soit présent 25 % ou 75 % du temps, il a besoin de retrouver à chaque transition un lieu qui lui appartient, un coin et des recoins où sont ses affaires, un endroit où déployer ses rêves et son monde intime.

25 % du temps annuel c’est certes peu, trop peu pour que s’épanouisse la relation parent-enfant dont l’ancrage naturel est fait de partages au quotidien. Mais 25 % de temps annuel ce n’est pas une chambre d’hôtel, ce n’est pas un lieu de passage. C’est un lieu de vie !

L’enfant est chez lui chez son parent si hideusement qualifié de non résident, au même titre qu’il est chez lui chez son parent si pernicieusement qualifié de résident.

Le parent 25 % doit loger son enfant au même titre, au même titre exactement, que le parent 75 %.

Car, que l’enfant soit présent 25 % ou 75 % du temps, le loger d’une manière telle qu’il y soit chez lui n’est pas une option, c’est un devoir parental primaire.

Car, que l’enfant soit présent 25 % ou 75 % du temps, cet espace personnel qui lui est dédié n’est pas plus petit ou plus grand. Il peut s’agir d’une chambre individuelle, d’une chambre partagée, de mètres carrés supplémentaires… Il est ce que le parent peut consacrer au logement de son enfant en fonction de ses ressources.

Car, que l’enfant soit présent 25 % ou 75 % du temps, cet espace personnel qui lui est dédié est un espace permanent. Il existe et est maintenu 100 % du temps.

La charge de logement, d’équipements et mobiliers ne dépend donc pas du temps de présence de l’enfant.

Elle est de même nature pour chacun des deux parents.

Par conséquent, il doit être établi que chacun des parents contribue également, en fonction de ses ressources, aux besoins de logement de son enfant.

Ainsi, dès lors que chacun des parents loge son enfant, quel que soit le temps de présence de l’enfant, pour les postes budgétaires logement et équipements et mobiliers les contributions des parents sont de facto déjà réparties conformément à l’article 371-2  du code civil.

Dans le cas où un parent ne logerait pas sont enfant, par exemple en cas de droit de visite très réduit, il conviendra d’estimer les coûts assumés par chacun des parents afin d’équilibrer ceux-ci à proportion des ressources parentales à travers la pension alimentaire.

Poste budgétaire loisirs, culture et divers

Les loisirs sont essentiellement réalisés les week-ends et pendant les vacances scolaires. Ces temps étant habituellement partagés par moitié dans le cadre de droits de visite et d’hébergement dits « classique » ou « élargi » ainsi qu’en cas de résidence alternée, chacun des parents prend également en charge ce poste budgétaire en fonction de ses ressources.

Ainsi, dès lors que les week-ends et vacances scolaires sont partagés par moitié entre les parents, pour le poste budgétaire loisirs, culture et divers les contributions des parents sont de facto déjà réparties conformément à l’article 371-2  du code civil.

Dans les autres situations, il conviendra d’étudier les éventuelles périodes pendant lesquelles les parents prennent également en charge ce poste budgétaire, puis estimer pour le reste les coûts assumés par chacun des parents afin d’équilibrer ceux-ci à proportion des ressources parentales à travers la pension alimentaire.

Postes budgétaires santé et éducation

Les frais de santé à la charge des parents consistent essentiellement en des restes à charge. A cela peuvent s’ajouter d’éventuels traitements ou consultations non remboursés, ainsi que, le cas échéant, des cotisations auprès de mutuelles ou d’assurances santé.

Les frais d’éducation dans le secteur public consistent essentiellement en des frais de rentrée scolaire (couverts en partie par l’allocation de rentrée scolaire pour les parents qui la reçoivent), des compléments de fournitures pendant l’année, et des frais de sorties exceptionnelles. Dans le secteur privé s’ajoutent des frais de scolarité.

Les frais d’activités extra-scolaires consistent essentiellement en des frais d’inscription et frais de fournitures ou de matériels.

Ces dépenses, qu’elles soient récurrentes ou ponctuelles, peuvent être chiffrées précisément, ou à défaut avec une précision suffisante, pour pouvoir être réparties équitablement entre les parents.

La pension alimentaire, dont le montant mensuel est constant et fixé d’une manière globale (donc d’une manière grossière, donc d’une manière injuste) est un mauvais outil pour équilibrer entre les parents de telles dépenses. La pension alimentaire devrait être réservée à la compensation des charges qu’il n’est pas possible de traiter autrement.

La manière la plus juste, et de loin la plus conforme à l’article 371-2 du code civil, de répartir les dépenses liées aux postes budgétaires santé et éducation est donc de partager ces dépenses entre les parents à proportion de leurs ressources respectives.

Si un tel partage s’avérait impossible, il conviendra d’estimer les coûts assumés par chacun des parents afin d’équilibrer ceux-ci à proportion des ressources parentales à travers la pension alimentaire.

Poste budgétaire information et communication

Les frais d’information et de communication aux domiciles des parents sont assurés pour l’essentiel par des forfaits mensuels qui ne dépendent pas du temps passé avec l’enfant et sont souscrits par les parents en fonction de leurs ressources.
Pour ces frais, les contributions des parents sont donc de facto déjà réparties conformément à l’article 371-2 du code civil.

Par contre, les éventuels coûts des forfaits de téléphonie mobile de l’enfant ainsi que frais d’information (comme par exemple les abonnements à des périodiques jeunesse) doivent être partagés entre les parents à proportion de leurs ressources respectives à l’instar des postes budgétaires santé et éducation.

Dans le cas où un parent qui ne logerait pas sont enfant ne mettrait pas à sa disposition des forfaits d’information et communication, ou dans le cas où le partage des frais d’information personnelle de l’enfant s’avérait impossible,  il conviendra d’estimer les coûts assumés par chacun des parents afin d’équilibrer ceux-ci à proportion des ressources parentales à travers la pension alimentaire.

Poste budgétaire habillement

Certains parent non résidents maintiennent une garde robe complète afin d’être autonomes et faire face aux caprices de la météo. D’autres ne disposent que d’un minimum, une valise suivant l’enfant lors des transitions. Relativement à ce poste budgétaire, le calcul de pension alimentaire doit être individualisé et tenir compte de la pratique parentale.

Lorsque le parent non résident maintient une garde-robe complète pour ses enfants, il pourra être considéré que pour le poste budgétaire habillement les contributions des parents sont de facto déjà réparties conformément à l’article 371-2 du code civil.

Lorsque le parent résident fournit au parent non résident l’intégralité des vêtements et chaussures utilisés par l’enfant, il conviendra d’estimer le montant de ces dépenses afin de les équilibrer à proportion des ressources parentales à travers la pension alimentaire.

Lorsque le parent non résident maintient une garde-robe partielle pour ses enfants, il conviendra de même d’estimer les coûts assumés par chacun des parents afin d’équilibrer ceux-ci à proportion des ressources parentales à travers la pension alimentaire.

Poste budgétaire alimentation

Chaque parent nourrit son enfant en fonction de ses ressources. La charge assumée par chacun est donc proportionnelle à ses ressources et au temps passé avec l’enfant.

Prenons à titre d’exemple une situation où l’enfant est 25 % du temps annuel avec le parent non résident et 75 % du temps annuel avec le parent résident.

Pour 50 % du temps annuel (25 % chez l’un et 25 % chez l’autre), les contributions des parents sont de facto déjà réparties conformément à l’article 371-2 du code civil.

Pendant les 50% restant du temps annuel, la totalité de la charge d’alimentation est assurée par le parent résident. Afin d’équilibrer cette charge à travers la pension alimentaire, trois logiques sont envisageables pour évaluer le coût de l’alimentation de l’enfant pendant cette période :

  1. Estimer ce coût relativement aux ressources du parent résident.
  2. Estimer ce coût relativement aux ressources du parent non résident.
  3. Se baser sur un niveau de ressources intermédiaire entre les ressources du parent résident et les ressources du parent non résident.

Remarquons tout d’abord que si les niveaux des ressources des parents sont équivalents, ces trois logiques convergent. La discussion ci-dessous concerne donc les situations où les ressources des parents sont de niveaux différents.

La logique 1 a l’intérêt d’essayer de coller au plus près du coût réel de l’enfant. Elle apparaît cependant socialement injuste : si le parent non résident a des ressources inférieures à celles du parent résident, il va payer pour des coûts qu’il n’est pas en mesure d’assumer.

La logique 3 est complexe (comment fixer ce niveau intermédiaire ?) et n’échappe pas au problème d’injustice sociale soulevé ci-dessus.

Nous adoptons donc la logique 2. Il nous semble d’ailleurs cohérent avec l’article 371-2 du code civil que le parent non résident participe à l’alimentation de son enfant à proportion de ses propres ressources, même pendant les périodes de temps où l’enfant est chez l’autre parent.

Il conviendra donc d’étudier les périodes pendant lesquelles les parents prennent également en charge ce poste budgétaire, puis estimer pour le reste les dépenses d’alimentation relativement aux ressources du parent non résident afin d’équilibrer celles-ci à proportion des ressources parentales à travers la pension alimentaire.

Poste budgétaire entretien et soins personnels

Tout comme l’alimentation, ce poste budgétaire est proportionnel aux ressources de chacun des parents et au temps de présence de l’enfant. Il doit être traité de façon identique (voir discussion ci-dessus du poste budgétaire alimentation).

Poste budgétaire transport

Dans le cadre d’un droit de visite dit « classique », les week-ends (ainsi que les mercredis pour un droit de visite et d’hébergement dit « élargi » à un mercredi sur deux) et les vacances scolaires sont partagés par moitié entre les parents. Sur ces périodes, chacun des parents prend également en charge ce poste budgétaire en fonction de ses ressources, ce qui est conforme à l’article 371-2  du code civil.
Les dépenses du parent résident en semaine, ainsi que celles du parent non résident qui souvent s’acquitte seul des transitions entre les domiciles parentaux, doivent par contre être évaluées afin d’en répartir la charge entre les parents à proportion de leurs ressources respectives à travers la pension alimentaire.

Dans cadre d’une résidence alternée égalitaire, si les périodes annuelles ainsi que la charge des transitions sont partagées par moitié, il pourra être considéré que pour le poste budgétaire transport les contributions des parents sont de facto déjà réparties conformément à l’article 371-2 du code civil.

Plus généralement, il conviendra d’étudier les périodes pendant lesquelles les parents prennent également en charge ce poste budgétaire, puis estimer pour le reste les dépenses de chacun afin d’équilibrer celles-ci à proportion des ressources parentales à travers la pension alimentaire.

Répartition des contributions

Ainsi, pour les postes budgétaires

  • logement,
  • équipements et mobiliers,
  • loisirs, culture et divers,
  • information et communication dans leurs composantes directement liées aux domiciles parentaux (par exemple forfaits souscrits pour le foyer),
  • transport sur les périodes également prises en charge par les deux parents (par exemple week-ends et vacances scolaires si droit de visite et d’hébergement dit « classique »),
  • habillement (si chacun des parent maintient une garde-robe complète),

lorsque les contributions des parents sont de facto déjà conformes à l’article 371-2 du code civil, la pension alimentaire ne doit pas intervenir.

Pour plusieurs autres postes budgétaires, les montants de dépense peuvent être connus avec suffisamment de précision pour être partagés entre les parents.

Nous pensons que dès que cela est possible il est préférable que les parents partagent entre eux les charges réelles de l’enfant plutôt que de tenter d’inclure le rééquilibrage de celles-ci dans une pension alimentaire forfaitaire. Ceci pour plusieurs raisons.

Tout d’abord pour une raison de justice et d’équité.
Partager le montant réel de frais précisément connus, ou suffisamment précisément connus, est d’évidence bien plus juste et équitable que de mensualiser une estimation forfaitaire forcément très imparfaite.

Ensuite pour une raison d’acceptation par le débiteur et de prévention des non paiements.
Un débiteur qui sait à quoi correspond chaque montant qu’il verse, en quoi cela contribue à la vie de son enfant, est bien plus enclin à honorer ses paiements.

Enfin pour une raison d’intérêt de l’enfant à ce que chacun de ses parents soit impliqué auprès de lui.
La loi en promouvant les principes d’autorité parentale conjointe et de coparentalité, ainsi que l’ensemble des acteurs de l’enfance (comme en témoigne par exemple le récent rapport dirigé par Boris Cyrulnik), mettent en avant l’importance qu’il y a à ce que les deux parents soient impliqués dans la vie de leur enfant. A contrario, la pension alimentaire, dans ce qu’elle a de forfaitaire et d’automatique dans sa mensualisation, est une mise à distance du parent débiteur vis-à-vis de son enfant. Elle est de ce fait préjudiciable à la relation parent-enfant. Lorsqu’il est possible, un partage des charges réelles est de ce point de vue aussi fortement préférable.

Ainsi, nous préconisons que les postes budgétaires suivants soient partagés entre les parents à proportion de leurs ressources respectives, conformément à l’article 371-2  du code civil :

  • éducation,
  • santé,
  • information et communication  dans leurs composantes liées aux besoins individuels des enfants (par exemple abonnements à des revues jeunesse ou forfaits téléphoniques individuels).

Le poste budgétaire habillement doit être considéré au cas par cas, comme nous l’avons discuté plus haut. Il peut selon la situation relever des charges de facto déjà conformes à l’article 371-2  du code civil, ou bien des charges dont les montants sont connus avec suffisamment de précision pour pouvoir être partagés entre les parents, ou bien encore des charges qu’il convient d’équilibrer à travers la pension alimentaire.

Le calcul de la pension alimentaire doit donc étudier, afin de les équilibrer, les charges qui ne sont ni de facto déjà conformes à l’article 371-2  du code civil ni partagées entre les parents à proportion de leurs ressources respectives.

Typiquement, dans le cadre d’un droit de visite et d’hébergement dit « classique » ou bien « élargi », il pourra s’agir des postes budgétaires suivants :

  • alimentation,
  • entretien et soins personnels,
  • transport hors week-ends et vacances scolaires (et hors mercredi si droit de visite et d’hébergement élargi à un mercredi sur deux),
  • habillement (le cas échéant).

Le coût de l’enfant relativement à ces postes budgétaires est très difficile à établir précisément. Le calcul de pension alimentaire ne peut donc reposer in fine que sur des estimations grossières. Un intérêt de notre méthode de répartition des contributions et de calcul de la pension alimentaire est de limiter autant que possible les estimations imprécises porteuses d’iniquités.    

Le calcul de la pension alimentaire doit aussi prendre en considérations les aides reçues par les parents au titre de l’enfant, ces aides venant en déduction des dépenses du parent qui les reçoit. 

Avant de détailler notre méthode de calcul de la pension alimentaire pour équilibrer ces charges et ces aides, nous présentons des exemples de mise en application de notre méthode de répartition des contribution parentales.

Exemple 1 : droit de visite et d’hébergement dit « élargi », domiciles parentaux proches, ressources de 2500 euros pour le père et de 2000 euros pour la mère, un enfant adolescent

L’enfant est avec son père du mardi sortie des classes au jeudi rentrée des classes une semaine sur deux en plus de la moitié des vacances et d’un week-end sur deux du vendredi sortie des classes au lundi rentrée des classes, ce qui représente environ 35 % du temps annuel.
Chacun des deux parents met à disposition de son enfant un cadre de vie complet (chambre individuelle, matériel, fournitures, sorties, week-ends, vacances…). En particulier, le père maintient une garde-robe complète pour son enfant.

Les transport les mercredis, les week-ends, et les pendant les vacances sont également pris en charge par chacun des parents en fonction de leurs ressources respectives.
Les domiciles parentaux étant peu éloignés, le coût des transitions est relativement faible, mais est intégralement supporté par le père. Les transports en semaine hors mercredis sont exercés par la mère, mais leur coût est relativement faible aussi. Considérons dans le cadre de cet exemple que les coûts de transport assumés par le père et par la mère se compensent.

Pour les postes budgétaires

  • logement,
  • équipements et mobiliers,
  • loisirs, culture et divers,
  • habillement,
  • transport,
  • information et communication (composantes liées aux domiciles parentaux),

les contributions des parents sont de facto déjà réparties à proportion de leurs ressources respectives.

Les postes budgétaires

  • éducation,
  • santé,
  • information et communication (besoins individuels des enfants),

seront partagés entre les parents à proportion de leurs ressources respectives. Le père devra donc prendre en charge 55,6 % de ces dépenses et la mère 44,4 %.

Il faut ensuite chiffrer les dépenses de chacun des parents relativement aux deux postes budgétaires restants.

Dans une mise en application de notre méthode sur des cas concrets, cela doit être réalisé par les parties en fonction de la réalité de la situation et des pratiques parentales. Nous nous contenterons ici, pour traiter les exemples que nous présentons dans cette page, d’évaluations arbitraires mais suffisantes pour donner des ordres de grandeur. 

Le budget type de l’UNAF Famille H : Une femme et un adolescent de 14 ans ou plus, dont la configuration familiale est proche de celle de notre exemple, fait état d’un budget alimentation de 21,0 % du budget annuel, et d’un budget entretien et soins personnels de 1,4 % du budget annuel.

Afin de réaliser des calculs simples, nous considérerons pour le chiffrage de cet exemple que pris ensemble, le budget alimentation et le budget entretien et soins personnels constituent un total de 20 % des ressources, chez le père comme chez la mère. En effet, nous avons pris pour base de travail les ressources et non le budget. Le budget étant inférieur aux ressources (car les ressources sont considérées avant impôts et car les ressources peuvent inclure une part d’investissement qui n’est pas prise en considération dans le budget de l’UNAF), ce chiffre simplifié de 20 %, légèrement inférieur au 21,0 % + 1,4 % = 22,4 % de l’UNAF, ne semble pas aberrant.

Nous considérerons de plus que le coût de l’adolescent est le même que celui de l’adulte chez lequel il se trouve. L’ensemble budgétaire alimentation et entretien et soins personnels de l’adolescent est donc évalué à 10 % des ressources du parent.

Rappelons qu’il ne s’agit ici que de dérouler un exemple. Cette estimation de 10 % est bien sûr imparfaite et devrait être affinée s’il s’agissait de l’appliquer à un cas réel. Elle est cependant suffisante pour illustrer notre propos.

Pour l’ensemble budgétaire

  • alimentation,
  • entretien et soins personnels,

le coût mensuel moyen de l’enfant est ainsi estimé à :

chez sa mère : 2000 * 10 % * 65 % = 130 euros,
chez son père : 2500 * 10 % * 35 % = 87,5 euros.

Il reste à étudier les aides perçues par chacun des parents au titre de l’enfant.

N’ayant qu’un seul enfant à charge, le parent résident ne perçoit pas d’allocations familiales.

Par contre, le parent résident bénéficie d’un avantage fiscal (dû à la part enfant et au supplément parent isolé) qui constitue une aide au titre de l’enfant. Pour évaluer le montant de cette aide, nous utilisons le simulateur de l’impôt sur les revenus du Ministère des Finances. Une personne seule sans enfant gagnant 2 000 euros par mois est imposée à hauteur de 1 061 euros. Un parent isolé avec un enfant gagnant 2 000 euros par mois est non imposable. L’aide fiscale annuelle au titre de l’enfant est donc de 1 061 euros, soit 88,42 euros mensuels.

Le bilan des contributions résiduelles nettes (hors contributions déjà réparties entre les parents) à rééquilibrer à travers la pension alimentaire est donc le suivant :

contribution résiduelle nette mensuelle moyenne de la mère : 130 – 88,42 = 41,58 euros
contribution résiduelle nette mensuelle moyenne du père : 87,5 euros

Nous constatons que les contributions du père sont supérieures à celles de la mère, avec un ratio supérieur au ratio de leurs ressources respectives.

Afin d’équilibrer ces contributions conformément à l’article 371-2 du code civil, c’est donc la mère qui devrait verser une pension alimentaire au père.

Ceci s’explique par deux éléments :

1. La plupart des charges ont été traitées en amont de la question de la pension alimentaire, dont une partie de dépenses réparties à 55,6 % sur le père contre 44,4 % sur la mère. Il n’est question ici que des contributions résiduelles non déjà équilibrées à travers les autres contributions des parents. Constater que les contributions résiduelles du père sont supérieures à celles de la mère ne signifie donc pas forcément que le père contribue globalement plus que la mère pour les enfants.

2. La plupart des aides au titre de l’enfant sont attribuées au parent résident, le parent non résident ne bénéficiant le cas échéant que de l’aide fiscale liée à la pension alimentaire. Ce que met en évidence notre résultat est surtout l’injustice de notre système d’aide à la parentalité. Le parent non résident est exclu de la quasi-totalité des aides à la parentalité alors que, dès lors qu’il joue pleinement son rôle coparental, ses dépenses directes pour son enfant sont nombreuses et importantes.

Ce déséquilibre observé au détriment du parent non résident étant surtout dû la l’iniquité des aides à la parentalité, et la pension alimentaire n’ayant pas pour objet de compenser une politique d’aide aberrante, nous ne pensons pas judicieux de proposer dans un tel cas que la mère verse une pension alimentaire au père. Par contre, cela devrait nous amener à reconsidérer notre politique d’aide à la parentalité dont l’injustice envers les parent non résidents est criante.

Exemple 2 : droit de visite et d’hébergement dit « classique », domiciles parentaux distants de 50 km, ressources de 2 000 euros pour le père et de 1 500 euros pour la mère, deux enfants

Les deux enfants sont avec leur père un week-end sur deux du vendredi soir au dimanche soir ainsi que la moitié des vacances scolaires, soit environ 25 % du temps annuel.
Chacun des deux parents met à disposition de ses enfants un cadre de vie complet (logement, matériel, fournitures, sorties, week-ends, vacances…). Le père maintient une garde-robe partielle.

Pour les postes budgétaires

  • logement,
  • équipements et mobiliers,
  • loisirs, culture et divers,
  • transport (les week-ends et vacances scolaires),
  • information et communication (composantes liées aux domiciles parentaux),

les contributions des parents sont de facto déjà réparties à proportion de leurs ressources respectives.

Les postes budgétaires

  • éducation,
  • santé,
  • information et communication (besoins individuels des enfants),

seront partagés entre les parents à proportion de leurs ressources respectives. Le père devra donc prendre en charge 57,1 % de ces dépenses et la mère 42,9 %.

Les transports des enfants en semaine sont assurés par la mère. Les écoles étant habituellement proches des habitations, ces déplacements concernent surtout les activités extra-scolaires et les déplacements exceptionnels comme les visites chez le médecin. Considérons que cela représente 40 km par semaine. Pour 36 semaines scolaires dans l’année, cela fait 1 440 km annuels, que nous pouvons chiffrer à 576 euros annuels 2, soit :

coût mensuel moyen du budget transport hors week-ends et vacances scolaires pour la mère : 48 euros.

Le père réalise un aller-retour entre les domiciles parentaux une fois par quinzaine en périodes scolaires, plus un aller-retour à chaque période de vacances. Cela représente 23 allers-retours de 100 km, soit 2 300 km, que nous pouvons chiffrer à 920 euros annuels, soit :

coût mensuel moyen du budget transport hors week-ends et vacances scolaires pour le père : 76,67 euros.

Le budget type de l’UNAF Famille C : Une femme, deux garçons âgés de 6 à 13 ans, dont la configuration familiale est proche de celle de notre exemple, fait état d’un budget habillement de 4,8 % du budget annuel.

Considérons que le budget habillement soit pour la mère de 4,5% de ses ressources, et pour le père de 1 % de ses ressources (pour tenir compte du fait que le père ne maintient qu’une garde-robe partielle).

Pour le budget habillement le coût mensuel moyen des enfants est ainsi estimé à :

chez leur mère : 1 500 * 4,5 % = 67,5 euros,
chez leur père : 2 000 * 1 % = 20 euros.

Le budget type de l’UNAF Famille C : Une femme, deux garçons âgés de 6 à 13 ans fait état d’un budget alimentation de 23,9 % du budget annuel, et un budget entretien et soins personnels de 1,6 % du budget annuel.

Afin de réaliser des calculs simples, nous considérerons pour le chiffrage de cet exemple que l’ensemble alimentation et entretien et soins personnels représente 24 % des ressources chez la mère comme chez le père.

Nous considérerons d’autre part, toujours à titre de simplification, que pour ces postes budgétaires le coût des enfants est des deux tiers du coût du ménage composé d’un adulte et de deux enfants. Le budget alimentation et entretien et soins personnels des enfants est donc évalué à 16 % des ressources chez la mère comme chez le père.

Rappelons à nouveau qu’il ne s’agit ici que de dérouler exemple. Ces chiffrages sont bien sûr imparfaits. Il sont cependant suffisants pour illustrer notre propos.

Pour l’ensemble budgétaire

  • alimentation,
  • entretien et soins personnels,

le coût mensuel moyen des enfants est donc estimé

chez leur mère : 1 500 * 16 % * 75 % = 180 euros,
chez leur père : 2 000 * 16 % * 25 % = 80 euros.

Il reste à étudier les aides perçues par chacun des parents au titre de l’enfant.

Le parent résident perçoit 131 euros mensuels d’allocations familiales.

Le parent résident bénéficie d’un avantage fiscal (dû à la part enfant et au supplément parent isolé) qui constitue une aide au titre de l’enfant. Pour évaluer le montant de cette aide, nous utilisons comme précédemment le simulateur de l’impôt sur les revenus du Ministère des Finances. Une personne seule sans enfant gagnant 1 500 euros par mois est imposée à hauteur de 236 euros. Un parent isolé avec un enfant gagnant 1 500 euros par mois est non imposable. L’aide fiscale annuelle est donc de 236 euros, soit 19,67 euros mensuels.

Le bilan des contributions résiduelles nettes (hors contributions déjà réparties entre les parents) à rééquilibrer à travers la pension alimentaire est donc le suivant :

contribution résiduelle nette mensuelle moyenne de la mère : 48 + 67,5 + 180 – 131 – 19,67 = 144,83 euros,
contribution résiduelle nette mensuelle moyenne du père : 76,67 + 20 + 80 = 176,67 euros.

Comme pour notre premier exemple, nous constatons que les contributions résiduelles nettes du père sont supérieures à celles de la mère. Cependant, le ratio 176,67 / 144,83 = 1,22 est inférieur au ratio des ressources qui est de 2 000 / 1 500 = 1,33.

Une pension alimentaire versée par le père à la mère doit donc compenser ce déséquilibre. Son montant doit être de 7 euros mensuels (voir plus loin la section Calculer le montant de pension alimentaire pour le détail de ce calcul).

Exemple 3 : résidence alternée, domiciles parentaux proches, ressources de 3000 euros pour le père et de 2000 euros pour la mère, deux enfants

Les enfants sont 50 % du temps annuel chez leur père et chez leur mère.
Chacun des deux parents met à disposition de ses enfants un cadre de vie complet (chambre individuelle, matériel, fournitures, habillement, sorties, week-ends, vacances…).

Pour les postes budgétaires

  • logement,
  • équipements et mobiliers,
  • loisirs, culture et divers,
  • habillement,
  • transport,
  • alimentation,
  • entretien et soins personnels,
  • information et communication (composantes liées aux domiciles parentaux),

les contributions des parents sont de facto déjà réparties à proportion de leurs ressources respectives.

Les postes budgétaires

  • éducation,
  • santé,
  • information et communication (besoins individuels des enfants),

doivent être partagée entre les parents à proportion de leurs ressources respectives.
Le père devra donc prendre en charge 60 % de ces dépenses et la mère 40 %.

L’ensemble des dépenses contribuant aux besoins des enfants se trouve ainsi répartie entre les parents conformément à l’article 371-2 du code civil.

Exemple 4 : Droit de visite dit « réduit », domiciles éloignés, ressources de 2000 euros pour le père comme pour la mère, deux enfants.

Les enfants ne sont avec leur père que pendant la moitié des vacances scolaires, soit environ 15 % du temps annuel.
Supposons que le père n’ait que peu de dépenses pour ses enfants en matière de logement, équipement et mobiliers : il ne loge pas ses enfants mais se contente de les héberger.
L’essentiel de l’habillement des enfants est fourni par la mère.

Aucun des postes budgétaires qui nous servent de grille d’analyse (excepté éventuellement le poste information et communication dans ses composantes liées aux domiciles parentaux) n’est pris en charge par les deux parents d’une manière déjà conforme à l’article 371-2 du code civil.

Dans la mesure du possible, notre recommandation est de partager entre les parents les dépenses dont les montants sont connus avec suffisamment de précision :

  • éducation,
  • santé,
  • information et communication (besoins individuels des enfants),

cela malgré la distance géographique et le peu de temps que les enfants passent avec leur père. En effet, la participation du père à ces dépenses est une forme de participation du père à la vie de ses enfants, tellement éloignés. Il est dans l’intérêt des enfants que le père soit impliqué dans les questions d’éducation, de santé, d’information (abonnements à de la littérature jeunesse, abonnements de téléphonie mobile).

La pension alimentaire doit compenser les postes budgétaires restants. Nous étudions cette question dans la section ci-dessous.

Calculer le montant de pension alimentaire

Lorsque l’analyse budgétaire montre que
après prise en compte des charges pour lesquelles les parents contribuent chacun de facto déjà conformément à l’article 371-2 du code civil,
après décision de répartition en fonction des ressources des charges pour lesquelles cela est possible,
après prise en compte des aides au titre des enfants,
si les contributions résiduelles nettes du parent résident sont trop élevées par rapport à celles du parent non résident (ratio des contributions résiduelles nettes supérieur au ratio des ressources) il faut calculer le montant de pension alimentaire permettant de rééquilibrer ces contributions conformément à l’article 371-2 du code civil.

Avant de détailler de notre méthode de calcul, il nous faut préciser ce que nous entendons par ressources. Nous reprenons à notre compte la définition qu’en donne le barème des pensions alimentaires du Ministère de la Justice :

« – les ressources imposables, démontrées le plus souvent à partir d’un avis d’imposition (sur une période de 2 ou 3 ans en cas de ressources irrégulières),
– les prestations sociales, imposables ou pas, dont l’objet est de remplacer les ressources professionnelles du débiteur (allocations de chômage, prestations en espèces de l’assurance maladie, pensions de retraite),
– les prestations sociales, imposables ou pas, dont l’objet est d’assurer un revenu minimum au parent débiteur.
Revenus non déclarés : les parties ou le juge pourront fixer des revenus supérieurs, compte tenu des informations disponibles 3. »

Il faut cependant y ajouter les revenus des heures supplémentaires défiscalisées (cette défiscalisation n’existait pas au moment de la publication du barème par le Ministère de la Justice).

La formule du calcul est alors la suivante :

Notons Rp et Rm les ressources, respectivement, du père et de la mère.

Notons Ap et Am les aides reçues au titre de l’enfant, respectivement, par le père et par la mère.

Notons Dp et Dm les dépenses pour les besoins de l’enfant, respectivement, par le père et par la mère hors charges de facto déjà assumées par chacun des parents proportionnellement à leurs ressources respectives, hors charges pour lesquelles il aura été décidé d’en répartir les dépenses entre les parents proportionnellement à leurs ressources respectives, et hors pension alimentaire.

Notons P la pension alimentaire versée par le parent non résident au parent résident.

La pension alimentaire doit être fixée de manière à satisfaire :

formule de la pension alimentaire

Autrement dit, le montant de pension alimentaire doit être fixé de telle manière qu’il équilibre les dépenses nettes des parents à proportion de leurs ressources respectives.

D’où on déduit que :

formule de calcul de la pension alimentaire

Cette équation n’est cependant pas utilisable telle quelle pour calculer la pension alimentaire car ses termes ne sont pas indépendants les uns des autres. En effet, pour le calcul de l’imposition sur les revenus, la pension alimentaire est déductible des revenus de celui qui la verse, et vient s’ajouter aux revenus de celui qui la perçoit. La pension alimentaire donne donc lieu à une aide fiscale au titre des enfants pour celui qui la verse, et à un coût fiscal au titre des enfants pour celui qui la perçoit. Cet effet d’aide et de surcoût fiscal est très important lorsque le taux marginal d’imposition est élevé. Il n’est donc pas possible de l’ignorer.

Nous avons (partiellement) pris en compte cet effet fiscal dans notre formulaire de calcul de pension alimentaire. Le lecteur intéressé est invité à s’y reporter.

Nous utilisons ci-dessous ce formulaire de calcul pour nos exemples 2 et 4.

De manière à prendre en compte les effets de l’imposition sur le revenu, le formulaire nécessite, en plus des précédentes de renseigner le revenu imposable. Nous supposerons que les parents ne bénéficient que de l’abattement forfaitaire de 10 % Leur revenu imposable sera donc considéré égal à leurs ressources réduites de 10 %.

Calcul du montant de pension alimentaire pour l’exemple 2

Les données pour notre exemple 2 sont les suivantes :

Pour la mère :

Ressources = 18 000 euros annuels
Revenu imposable = 18 000 * 90 % = 16 200 euros annuels
Nombres de parts fiscales = 2,5 (deux demi-parts enfants et demi-part parent isolé)
Dépenses pour les besoins des enfants devant être équilibrées par la pension alimentaire = 48 + 67,5 + 180 = 295,5 euros mensuels, soit 3 546 euros annuels
Aide fiscale parts enfants et parent isolé = 236 euros annuels
Aides sociales au titre des enfants = 131 euros mensuels, soit 1 572 euros annuels

Pour le père :

Ressources = 24 000 euros annuels
Revenu imposable = 24 000 * 90 % = 21 200 euros annuels
Nombres de parts fiscales = 1
Dépenses pour les besoins des enfants devant être équilibrées par la pension alimentaire = 76,67 + 20 + 80 = 176,67 euros mensuels, soit 2 120 euros annuels
Aides sociales au titre des enfants = 0 euros

La saisie de ces données sur le formulaire de calcul de pension alimentaire donne pour résultat une pension alimentaire de 7,40 euros mensuels. La procédure de vérification (voir explications sous le formulaire) confirme l’ordre de grandeur de ce chiffre.

Calcul du montant de pension alimentaire pour l’exemple 4

Supposons que dans le cadre de notre exemple 4 il soit considéré que :

La mère dépense annuellement pour les enfants :

  • 3 000 euros en logement, équipements et mobiliers,
  • 3 000 euros en alimentation, entretien et soins personnels,
  • 1 500 euros en loisirs culture et divers,
  • 800 euros en habillement,
  • 1 000 euros en transport.

Les dépenses résiduelles (hors charges partagées entre les parents) annuelles de la mère sont donc évaluées à 9 300 euros.

La mère bénéficie au titre des enfants de 131 * 12 = 1 572 euros d’allocations familiales et de 1 061 euros d’aides fiscales (voir le calcul réalisé pour notre exemple 1).

Nous obtenons donc pour la mère :

Ressources = 24 000 euros annuels
Revenu imposable = 24 000 * 90 % = 21 200 euros annuels
Nombres de parts fiscales = 2,5 (deux demi-parts enfants et demi-part parent isolé)
Dépenses pour les besoins des enfants devant être équilibrées par la pension alimentaire = 9 300 euros annuels
Aide fiscale parts enfants et parent isolé = 1 061 euros annuels
Aides sociales au titre des enfants = 1 572 euros annuels

Le père dépense annuellement pour les enfants :

  • 500 euros en logement, équipements et mobiliers,
  • 600 euros en alimentation, entretien et soins personnels,
    Les dépenses en alimentation sont supérieures à 15 % des dépenses de la mère car ces dépenses sont souvent supérieures pendant les vacances, périodes où on multiplie les sorties et les restaurants.
  • 1 000 euros en loisirs culture et divers,
    Une partie importante de ces dépenses a lieu pendant les vacances. D’autre part, les pères éloignés de leurs enfants ont tendance à compenser le manque de temps de vie partagé par un surcroît de sorties.
  • 50 euros en habillement,
  • 850 euros en transport.
    Les transitions étant intégralement à la charge du père.

Les dépenses résiduelles (hors charges partagées entre les parents) annuelles du père sont donc évaluées à 3 000 euros annuels.

Nous obtenons donc pour le père :

Ressources = 24 000 euros annuels
Revenu imposable = 24 000 * 90 % = 21 200 euros annuels
Nombres de parts fiscales = 1
Dépenses pour les besoins des enfants devant être équilibrées par la pension alimentaire = 3 000 euros annuels
Aides sociales au titre des enfants = 0 euros

La saisie de ces données sur le formulaire de calcul de pension alimentaire donne pour résultat une pension alimentaire de 162 euros mensuels.

La procédure de vérification (voir explications sous le formulaire) montre que ce montant n’est pas assez élevé. Cela est dû à la non prise en compte par la version actuelle du formulaire du mécanisme fiscal de décote. Le réel avantage fiscal du père est supérieur à celui calculé par notre formulaire. L’erreur reste ici cependant minime : un calcul manuel plus détaillé montre que la pension permettant d’équilibrer les contributions parentales est de 166 euros mensuels (83 euros par enfant).  

N.B. : Les valeurs que nous avons utilisées pour chiffrer les dépenses de la mère et du père sont bien sûr fictives.

Méthode de répartition des contributions parentales et de calcul de la pension alimentaire

La méthode que nous proposons peut se résumer ainsi :

1. Choisir un modèle de décomposition du budget familial en postes budgétaires (par exemple les postes budgétaires de l’UNAF).

2. Étudier les contributions aux besoins de l’enfant, et pour chaque poste budgétaire (ou sous poste budgétaire) déterminer :

    a. si il est de facto déjà réparti à proportion des ressources respectives des parents,

    b. si il a vocation à être partagé entre les parents à proportion de leurs ressources respectives,

    c. si il ne relève d’aucune des deux catégories précédentes.

3. Estimer les montants de dépense de chacun des parents pour l’enfant selon les postes budgétaires catégorisés c.

4. Estimer les montants des aides au titre de l’enfant de chacun des parents.

5. Calculer le montant de pension alimentaire permettant d’équilibrer ces dépenses et ces aides à proportion des ressources respectives des parents.

Nous avons choisi d’utiliser les postes budgétaires de l’UNAF. Tout autre modèle de décomposition du budget familial sur lequel s’accorderaient les parties peut cependant être utilisé (par exemple celui de l’INSEE).

Certains postes budgétaires peuvent relever non pas d’une seule de nos catégories a, b ou c mais de plusieurs. Rien n’empêche alors de scinder un poste budgétaire en plusieurs sous postes.

Prenons un exemple. Supposons que l’enfant dispose d’une chambre chez chacun de ses parents, mais que ces chambres ne soient pas chauffées en l’absence de l’enfant. La charge de logement est ainsi pour partie dépendante du temps de présence de l’enfant. Il est alors possible d’extraire les dépenses de chauffage du budget logement. Le logement hors chauffage ainsi que les frais de chauffage pendant le double du temps passé cher le parent non résident seront alors considérés équilibrés de facto (catégorie a), tandis que les frais de chauffage pendant le reste de l’année feront l’objet d’estimations destinées à être intégrées au calcul de pension alimentaire (catégorie c). Et si les parties tiennent à affiner encore pour coller au plus près à la réalité, il pourra être possible par exemple de procéder de même pour les dépenses d’électricité. Ce qui est gagné en précision étant perdu en simplicité, c’est à chacun de se saisir de notre modèle pour en régler le niveau de granularité.

De même, si les parties considèrent que certaines dépenses ne sont pas représentées, ou sont mal représentées, dans la décomposition budgétaire utilisée, rien n’empêche d’adapter celle-ci. Par exemple, les frais de garde d’enfant n’apparaissent pas explicitement dans les postes budgétaires de l’UNAF (aucun des budgets types de l’UNAF n’intègre d’enfant de moins de 6 ans). Il pourra être envisagé le cas échéant d’ajouter un poste budgétaire qui y soit spécifiquement consacré.

Discussion

Nous pensons que notre méthode d’analyse par postes budgétaires, répartition de charges et chiffrage des dépenses résiduelles peut être utilisée de manière concrète et efficiente dans le cadre de séparations parentales. Le fait que les parties doivent évaluer les contributions des deux parents peut conduire chacun à une meilleure compréhension des réelles contributions de l’autre pour l’enfant, et ainsi aboutir à une répartition des charges et à une pension alimentaire mieux comprises, donc mieux acceptées.

En cas de désaccord entre les parties, nous pensons aussi que notre méthode pourrait être mise à profit par le juge pour trancher sur des bases moins fragiles que ce sur quoi se basent habituellement les décisions judiciaires.

Il est important de noter que notre méthode, dans son développement actuel, ne traite pas la question des enfants ne vivant pas ensemble. Lorsqu’un parent a des enfants d’unions différentes, ou bien lorsqu’une fratrie se trouve séparée, équilibrer les contributions parentales entre ces enfants qui vivent tout ou partie du temps dans des conditions matérielles différentes peut s’avérer complexe. Une réflexion reste à mener sur ce point.

On remarquera que les montants de pension alimentaire permettant d’équilibrer les contributions parentales sont fortement dépendants des aides à la parentalité, et que cela met en évidence l’iniquité de ces aides. Le parent résident dispose d’aides sociales et fiscales substantielles. Le parent non résident n’a droit généralement qu’à la seule aide fiscale due à la déduction de la pension alimentaire. Les systèmes d’aides basés sur le principe du quotient familial sont profondément injustes en ce qu’ils considèrent le parent non résident comme n’ayant pas d’enfant à charge. Cette injustice a plusieurs fois été relevée par des parlementaires. On pourra consulter par exemple à ce sujet cette synthèse réalisée par Paternet (la réponse du secrétariat d’État à ces questions parlementaires vaut son pesant de misandrie).

On notera enfin qu’il n’est avec la pension alimentaire question que de contributions matérielles et de niveau de vie, pas de qualité de vie. Nos enfants diminuent de fait notre niveau de vie, mais augmentent notre qualité de vie. Nos enfants participent de notre bonheur. Nous acceptons avec joie la « charge » qu’ils représentent car le quotidien que nous partageons avec eux représente bien plus encore. La qualité de vie infiniment dégradée du parent éloigné de ses enfants, la qualité de vie infiniment dégradée de l’enfant amputé de l’amour et des apports d’un de ses deux parents, devraient être bien plus que les questions financières au cœur de toute réflexion sur les séparations parentales. Il y a quelque chose de tristement cynique et de profondément inhumain dans le code civil et dans la pratique sociétale actuelle qui consiste à écarter un parent du quotidien de vie de son enfant puis prétendre remplacer sa contribution parentale par un vulgaire montant financier.     

Parmi les objections que l’on ne manquera sans doute pas de faire à cette méthode que nous proposons, discutons dès à présent les questions suivantes.

– Selon votre méthode, plusieurs charges budgétaires, dont le logement, sont susceptibles d’être considérées comme étant équilibrées de facto. N’est-ce pas irréaliste ? N’est-ce pas injuste envers le parent résident ?

Nous pensons, précisément, que considérer le contraire n’est pas réaliste, et est injuste envers le parent non résident. Des parents non résidents mettent tout autant que le parent résident à disposition de leur enfant logement, mobilier, fournitures…
Doit-on leur enjoindre de cesser de le faire ? Ce serait une curieuse conception de l’intérêt de l’enfant !
Doit-on ignorer ces dépenses du parent non résident ? Ce serait une curieuse conception des besoins de l’enfant !

– Votre méthode procède par analyse de la pratique et des dépenses de chacun des parents. Elle n’est donc applicable qu’à des parents déjà séparés depuis suffisamment de temps pour que cette pratique soit observable.

Nous pensons, au contraire, que notre méthode aurait un grand avantage à être appliquée au moment de la séparation parentale.

Car quelle est la pratique telle qu’on l’observe habituellement dans les tribunaux dès lors que la résidence est fixée chez un seul parent, et quelles en sont les conséquences ?

Le juge présuppose que le parent résident contribuera à l’essentiel des besoins de l’enfant.
Le juge présuppose que le parent non résident ne contribuera que très peu aux besoins de l’enfant.
Le juge considère par réflexe que la principale contribution du parent non résident aux besoins de l’enfant est le versement d’une pension alimentaire. Toutes les autres contributions du parent non résident sont soit totalement éludées, soit largement sous-évaluées, discréditées par avance.
Et par un raisonnement pervers basé sur ces présuppositions, le juge ordonne une pension alimentaire élevée car censée représenter une large proportion des contributions du parent non résident.

Dans le même temps, les aides au titre de l’enfant se trouvent concentrées sur le parent résident, le parent non résident n’ayant droit à rien excepté l’aide fiscale sur la pension alimentaire.

Si il a la chance d’avoir des ressources élevées, le parent non résident conservera malgré cette injustice suffisamment de moyens pour répondre aux besoins de son enfant lorsqu’il est avec lui. Il paiera deux fois une bonne partie des besoins de l’enfant : une fois directement et une fois à travers la pension alimentaire. Mais au moins pourra-t-il accueillir son enfant dans des conditions décentes.

Mais s’il n’a pas cette chance ?
Le parent non résident, condamné à ne bénéficier quasiment d’aucune aide parentale, condamné à verser une pension alimentaire élevée, ne pourra pas recevoir son enfant dans des conditions décentes. Lorsque plus tard on se penchera sur ses contributions… eh bien celles-ci seront à l’image de ses moyens : faibles ! Et engoncé dans son indécrottable bonne conscience, le misandre méprisera ce père qui fait si peu pour son enfant.

La mécanique infernale est bien rodée :
1. Présupposer que le parent non résident ne contribuera que peu aux besoins de son enfant.
2. En se basant sur cette présupposition placer délibérément le parent non résident dans une situation où il ne pourra pas contribuer de manière satisfaisante aux besoins de son enfant.
3. Constater quelque temps plus tard qu’effectivement le parent non résident ne contribue qu’assez peu.
Bel exemple de raisonnement circulaire, et pervers.
Puis se voiler la face, faire semblant de ne pas voir le cercle vicieux dans lequel on a soigneusement enfermé le parent non résident, faire semblant de croire que c’est pour le bien de l’enfant que l’on agit ainsi.

Nous pensons que notre méthode peut et doit être utilisée dès la séparation parentale.

Au moment d’une séparation, il faut partir du présupposé que chacun des parents, résident ou non résident, assumera pleinement sa part des besoins de l’enfant. Tout autre point de départ serait discriminatoire.

Partant de cette présupposition, il faut appliquer notre méthode en étudiant quels postes budgétaires sont susceptibles de relever de nos catégories a, b ou c, puis estimer les dépenses de catégorie c ainsi que les aides.

Une réévaluation, par exemple à échéance de 6 mois ou peut-être un an, permettra alors de prendre acte de ce qui aura été réellement réalisé par chacun des parents en terme de contributions aux besoins de l’enfant, notre méthode pouvant alors s’appliquer cette fois sur la base d’un existant et non plus d’une projection. 

Procéder ainsi permettrait moins d’injustices, du moins pour les catégories socioprofessionnelles supérieures.

En effet, pour les parents les moins aisés, les aides représentent une part très importante de la couverture des besoins de l’enfant. Ces aides étant presque exclusivement attribuées au parent résident, améliorer la répartition des contributions parentales directes et le calcul de la pension alimentaire ne suffira pas à mettre fin à la terrible iniquité parentale actuelle.

L’inégalité parentale et l’iniquité des conditions parentales réside d’abord dans le principe même de non résidence, principe ignoble qui doit être combattu (voir notre page consacrée à la déchéance de résidence). Mais cette iniquité réside aussi dans les aides à la parentalité qui ignorent dédaigneusement le parent non résident.

Notre méthode a l’ambition de proposer une répartition plus équitable des contributions parentales. Cependant, tant que des parents seront déchus de la résidence de leur enfant, tant que des parents seront exclus des aides à la parentalité, l’iniquité régnera sur la condition des familles séparées.

– Vous proposez de partager entre les parents un maximum de dépenses (postes budgétaires catégorisés b). En cas de conflit parental exacerbé, ces partages de frais ou remboursements entre parents ne risquent-ils pas de donner lieu à de nouvelles occasions de conflits ?

Comme nous l’avons exprimé, nous pensons que l’intérêt de l’enfant réside dans une implication maximale de ses deux parents. Cependant, rien n’empêche de basculer en catégorie c certains postes budgétaires qui auraient pu être catégorisés b s’il apparaît souhaitable de diminuer les occasions d’interactions entre les parents. Il faut toutefois être alors extrêmement attentif aux questions d’aliénation parentale. Créer et maintenir du conflit dans le but d’éloigner l’autre parent de l’enfant est une pratique délétère qui semble bien peu prise en considération par les juges.

– Lorsque les ressources parentales sont fortement déséquilibrées, l’application de votre méthode peut conduire à des niveaux de vie de l’enfant chez chacun de ses parents fortement déséquilibrés.  

Remarquons tout d’abord que la pension alimentaire n’a pas pour objet d’équilibrer les niveaux de vie des parents après la séparation. L’article 371-2 du code civil, auquel notre méthode se veut conforme, n’a pour objet que d’équilibrer les contributions parentales aux besoins de l’enfant. Il n’est d’ailleurs a priori pas anormal qu’il y ait une différence de niveau de vie de l’enfant aux domiciles parentaux lorsque les parents ont des niveaux de vie différents.

La question n’est donc pas en soi celle de l’existence de différences de niveaux de vie, mais celle de différences considérées comme trop importantes. Rien n’empêche alors les parents de décider d’un montant de pension alimentaire supérieur à celui calculé selon notre méthode, le parent le plus aisé assumant alors de financer plus que sa part dans le but d’offrir de meilleures conditions de vie à son enfant. Dans le cadre d’une procédure, le juge peut quant à lui invoquer l’intérêt supérieur de l’enfant pour déroger à l’article 371-2 du code civile et fixer une pension alimentaire supérieure à celle qui permettrait le strict rééquilibrage des contributions parentales.

– Le fait d’inclure l’imposition sur le revenu dans la détermination de la pension alimentaire complexifie sérieusement les calculs. Ne vaudrait-il pas mieux s’en abstraire ?

L’incidence des aides fiscales est, comme le montrent les exemples que nous traitons, beaucoup trop importante pour pouvoir être ignorée. Toute méthode de calcul qui ignorerait les effets de l’imposition sur le revenu s’éloignerait tellement de la réalité qu’elle en perdrait toute pertinence.

Nous regrettons cet état de fait. Nous pensons qu’il serait préférable que la pension alimentaire ne fasse l’objet d’aucun traitement fiscal, ni pour celui qui la verse ni pour celui qui la reçoit. Ce serait d’ailleurs bien plus logique : la pension alimentaire est censée correspondre à des dépenses réalisées pour couvrir les besoins de l’enfant. Lorsqu’un parent achète quelque chose pour son enfant, il n’en déduit pas fiscalement le montant de ses revenus. Cette position est d’ailleurs défendue par le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge dans son dossier Les ruptures du couple avec enfants mineurs, adopté le 21 janvier 2020. 4

– Votre méthode conduit à des montants de pensions alimentaires plus faibles que ceux pratiqués habituellement. Or il est bien connu que beaucoup de foyers dits « monoparentaux » ont déjà des conditions de vie difficiles. 

N’opposons pas les difficultés des uns et des autres. Des parents résidents font en effet face à des conditions de vie difficiles. Ce n’est pas pour autant une raison pour placer sciemment des parents non résidents dans des situations iniques.

Notes :

1 Quand la séparation des parents s’accompagne d’une rupture du lien entre le père et l’enfant, n°500 de la revue de l’INED « Populations et Société », mai 2013.
De nombreux parents non résidents n’ont pas les moyens de financer un logement suffisamment grand pour y accueillir leurs enfants dans des conditions satisfaisantes. Certains sont dans une situation d’une telle précarité qu’il sont purement et simplement dans l’impossibilité de les accueillir. Ces conditions d’accueil mauvaises ou impossibles contribuent largement à la perte de contact père-enfant (voir notre page Le devenir de l’enfant dans la séparation parentale).
Certaines études voudraient montrer que les parents non résidents bénéficieraient de conditions de vie favorables (nous pensons en particulier au rapport de l’INSEE Couples et familles). Ces études reposent sur l’hypothèse que les parents résidents n’auraient aucune charge pour leurs enfants hormis la pension alimentaire, ce qui est bien évidemment absurde : excepté dans des cas de rupture totale du lien parent-enfant, les parents non résident hébergent leurs enfants une partie de l’année et assument pour eux des coûts directs importants. Pour calculer le niveau de vie, les ressources du parent résident sont divisées par un nombre d’unités de consommation qui inclue des parts enfants, tandis que les ressources du parent non résident sont divisées par 1. Les résultats produits par un tel mode de calcul sont tellement biaisés que nous pouvons qualifier de telles études d’impostures.

2 Nous considérons un coût moyen de 40 centimes d’euros le kilomètre, le coût kilométrique marginal utilisé par les services fiscaux pour un véhicule de 7CV fiscaux étant en 2020 de 0,405 euro (source : barème des frais kilométriques du Ministère de l’économie, des finances et de la relance).

3 Fixer le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Guide pratique édité par le ministère de la Justice. Document téléchargeable sur le site du magistrat Jean-Claude Bardout, p. 3.

4 Précisons que, si nous sommes en accord avec le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge sur ce point précis, nous sommes en désaccord avec les partis pris ouvertement misandres du rapport dans son ensemble.

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Commentaires

  1. Bonjour,

    L’analyse de la répartition de la dépense éducative des enfants de parents séparés est très bien faite. Elle pointe notamment le préjudice qui peut frapper le parent chez qui l’enfant n’a pas la résidence principale, en négligeant les frais fixes et les frais de transport.
    J’avais déjà noté ce phénomène dans ma thèse de doctorat et le livre qui en est issu (Pères séparés, Pères tout de même, 1997, Economica – p.155-172). Je constate, hélas, que les choses n’ont guère avancé depuis. J’ai eu l’occasion de retravailler la question au cours de mon travail de chercher en éducation familiale à l’université Paris X Nanterre. J’avais démontré que le parent « non résident » était celui qui subissait le plus gros préjudice financier. A ma connaissance, il n’y a plus de recherche universitaire sur le sujet depuis mon départ.

    Le principe de budgétiser les dépenses que représentent les enfants pour leurs parents, est ce qui colle le mieux à la réalité des dépenses en question. Une équité raisonnable est profitable non seulement à l’enfant mais aussi à chacun de ses parents. En outre, cette budgétisation incite parents et enfant à rester conscient du prix de la vie, et de qui le paye.

    Je fais toutefois quelques remarques qui ne sont pas des critiques.
    1°) Même avec le secours de l’UNAF, les calculs ne sont pas très faciles et pourront rebuter certaines et certains. Il faudrait donc laisser la possibilité de versements « forfaitaires »

    2°) Sur quel espace de temps portera la budgétisation ? Les dépenses évoluent, les ressources aussi. Devra-t-on ré-évaluer chaque rentrée scolaire ?

    3°) qu’est-ce que l’équité ? considère-t-on – par exemple – qu’un parent très à l’aise financièrement doit participer à l’entretien de son enfant lorsqu’il est avec l’autre parent nettement moins riche ? comment modifie-t-on la contribution d’un parent lorsqu’il a d’autres enfants avec son nouveau conjoint ?

    4°) doit-on tenir compte de ce qu’était la situation avant la séparation. Par exemple si l’un des conjoints avait un revenu nettement supérieur, mais que l’autre s’occupait plus des enfants (par exemple en aillant un temps partiel) ? C’est un cas très fréquent. Qu’est-ce que est juste, non seulement pour l’enfant, mais aussi pour chacun des parents.

    Ces remarques, qui ne dévalorisent pas du tout l’approche budgétaire, montrent l’importance de l’acceptation par chacun des parents de la modification de situation, en particulier d’appauvrissement, que représente la séparation. Il faut donc les inciter à construire ensemble la nouvelle situation, en particulier financière, ce que le principe de budgétisation va aider. Quant au juge, il devrait faire pression pour que les parents travaillent dans ce sens, et donner préférence au parent le plus conciliant en cas de conflit. Or c’est bien souvent le contraire : un des parents (très souvent la mère) a un intérêt matériel à ne pas être conciliante.

    En tout cas, bravo pour votre travail.

    Bruno Décoret
    On peut trouver mes travaux sur la séparation parentale, en particulier la paternité, sur mon site. psy-decoret.fr
    Notamment http://www.psy-decoret.fr/images/stories/ecrits/Gradient-paternite.pdf

  2. Bonjour,

    Je vois que beaucoup de travail est abattu, depuis longtemps.
    Je sais par ailleurs que les progrès sont bien loin des espérances.

    Dans un article vieux de 10 ans ( https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-enfant-dans-le-projet-de-loi-219378 ) il était mentionné un Rapport de la Chancellerie. Rapport dont on peut extraire des chiffres et en tirer des  »faits » qui auraient donc été produits par les autorités elles-mêmes. D’ autres Rapports ont pu être produits depuis. (?)
    Je me demandais si, ayant extrait ces chiffres et ces  »faits » ne permettrait pas (après que les autorités françaises auront formellement botté en touche) de porter l’affaire devant les instances Européennes. Ou contacter quelque ONG comme Human Rights Watch ou autre ? Le monde ne marche plus que par la pression ou le buzz…

    Cordialement

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