Page créée le 13 septembre 2020


Le barème indicatif des pensions alimentaires

Mis en place en 2010, ce barème est publié par le Ministère de la Justice. Il a pour objectif de simplifier le travail des juges et de favoriser une meilleure adhésion des parties aux jugements rendus1.

Il est indicatif et non pas normatif, ce qui signifie qu’il n’est qu’une aide pour le juge2.
Ce dernier conserve toute latitude de l’utiliser ou non, ou de s’en écarter pour tenir compte des particularités de l’instance. En droit, le juge doit se prononcer en fonction de la situation particulière qu’il a à juger, et non pas en fonction de situations types et de valeurs moyennes pré-calculées. Se contenter d’appliquer un barème serait contraire à l’esprit et à la lettre de la loi3.

Il convient de remarquer en préambule que tout barème des pensions alimentaires ne peut être qu’imparfait.

En effet, la loi, et plus précisément l’article 371-2 du code civil, veut que chaque dossier soit évalué en fonction, pour chacun des parents, des ressources, des aides reçues au titre de l’enfant et des dépenses destinées à couvrir les besoins de l’enfant (voir notre discussion à ce sujet dans notre page Comment la pension alimentaire est-elle calculée ?). Tenter de généraliser par delà les cas particuliers pour établir un barème générique qui collerait au plus près de la réalité et au plus près de la loi conduirait à prendre en compte de très nombreux paramètres. Un tel barème serait inévitablement complexe à comprendre et à utiliser, ce qui entrerait en contradiction avec l’objectif de mettre à disposition un indicateur simple à utiliser pour le juge et simple à appréhender pour les parties.

C’est ce qu’écrivait en 2007 Jean-Claude Bardout, juge aux affaires familiales qui a fait partie du groupe de travail du Ministère de la Justice pour la proposition du barème, et est aujourd’hui encore éditeur d’un site internet consacré au barème :

« […] Il faudra résister à la tentation de définir une méthode trop complexe, qui voudrait embrasser toute la complexité du réel et n’oublier aucun facteur.
Le nombre de facteurs potentiellement invocables est élevé, mais nous devons adopter une méthode simple à mettre en œuvre, compréhensible par les parents, aisément applicable et exécutable […]4. »

L’idée même de barème suppose donc de s’écarter du réel, de faire des choix et des simplifications… Mais quels choix, quelles simplifications, et quels écarts au réel ?

Le barème finalement adopté ne conservera que trois paramètres : les ressources du parent débiteur, le nombre d’enfants et le temps passé avec les enfants (avec seulement trois valeurs pour ce dernier paramètre : « réduit », « classique », « alterné »). C’est donc une simplification à l’extrême qui a été retenue, et un écart au réel que l’on peut qualifier de majeur.

Ce parti pris peut se comprendre au regard des objectifs visés. Le barème est ainsi facile à utiliser par le public, auquel il fournit des ordres de grandeur. Il est facile aussi à utiliser par le juge, qui est censé n’en utiliser les montants que comme guides, comme valeurs indicatives devant être modulées en fonction des particularités de chaque dossier.

Mais cette simplification radicale est tellement réductrice – et la méthode de calcul adoptée si hasardeuse, nous y reviendrons – que les chiffres affichés par le barème sont complètement déconnectés de la réalité (pour des exemples détaillés montrant que l’application du barème conduit à de très fortes iniquités financières au détriment du parent non résident, voir notre page Des pensions alimentaires inéquitables.)

Nous étudions ci-dessous la façon dont a été conçu ce barème.

Principe

Les auteurs du barème déclarent que celui-ci repose sur le principe suivant :

« [L]’enfant doit continuer à recevoir, après la séparation de ses parents, la même proportion de revenu parental que celle dont il bénéficiait avant la séparation5. »

Ce principe est fort discutable.

D’une part, comme nous l’avons indiqué dans notre page consacrée à la contribution du parent non résident, les besoin de l’enfant augmentent fortement après la séparation parentale (certains besoins sont dédoublés, de nouveaux besoins apparaissent) tandis que dans le même temps le niveau de vie fragilisé de chacun des parents amène à comprimer certaines dépenses. Il est ainsi fait, sans le dire, l’hypothèse que ces deux mouvements se compenseraient (augmentation des besoins de l’enfant du fait de la situation de séparation parentale, et diminution de certains coûts du fait des compressions budgétaires qu’entraîne la diminution de niveau de vie des parents). Cette hypothèse semble hasardeuse. Les auteurs du barème nulle part ne l’explicitent, et encore moins ne la justifient.

D’autre part, il y a dans ce principe une confusion ressources/budget familial. Si l’on peut éventuellement considérer (et encore cela est-il discutable aussi) que pour des bas revenus l’ensemble des ressources est consacré au budget familial stricto sensu, ce n’est pas le cas pour des familles aux revenus moyens ou hauts pour lesquels une partie des ressources est consacrée à de l’épargne ou de l’investissement. Les conditions de vie étant fortement affectées par la séparation, l’hypothèse, non dite elle aussi, que les ratios ressources/budget familial (entendu hors épargne et investissement) resteraient constants n’est pas réaliste6.

On peut enfin s’interroger sur la conformité à la loi de ce principe. Les besoins de l’enfant auxquels chacun des parents doit contribuer selon l’article 371-2 du code civil étant ceux de la situation présente, et non pas ceux de la situation passée d’avant la séparation.

Mais au fond, ce que se gardent bien d’énoncer les auteurs du barème est que ce principe, sur lequel ils fondent leur travail, n’est en rien un principe juridique, et n’est même pas une loi économique : il s’agit d’un principe moral.

Il est attendu du parent non résident qu’il dépense autant après séparation pour son enfant dont il est dorénavant largement privé qu’avant séparation où il bénéficiait de l’amour et de la qualité de vie que procure à un parent la vie avec son enfant.

On t’arrache ton enfant, la chair de ta chair. Tu ne connaitras plus les baisers du soir, ni ceux du matin, ni sa main dans ta main, ni sa tête appuyée sur ton épaule. Ses nouvelles découvertes, ses nouveaux pas, ses apprentissages quotidiens de la vie, chacune de ses joies et tristesses, ce sera sans toi, en pointillés si espacés que la mémoire s’y délite…
Mais rassure-toi : financièrement tu contribueras autant qu’avant !
Tu crèves de voir mois après mois le lien avec ton enfant se déliter par trop d’absence.
Mais non, rassure-toi, le lien n’est pas rompu, il s’est juste transformé : ton lien avec ton enfant est désormais un lien financier !

Curieuse morale, s’il en est.
Curieuse conception de la relation parent-enfant.
Curieuse conception de l’intérêt de l’enfant.

Pourcentages

Le barème est on ne peut plus simple en apparence (du moins si tout ce que l’on souhaite est obtenir des chiffres sans trop se préoccuper de leur pertinence) : le montant de la pension est un pourcentage des ressources du parent débiteur déduction faite d’un minimum vital7.
Le pourcentage appliqué est indiqué en en-tête de chacune des colonnes du barème.

Il convient donc de comprendre comment on été calculés ces pourcentages.

Comme nous l’avons indiqué, le barème veut par principe qu’après séparation le parent débiteur consacre à son enfant la même proportion de ses ressources qu’avant séparation. Il fallait donc tenter d’évaluer, en toute généralité, quelle proportion de leurs ressources les parents consacrent habituellement à leurs enfants. Les auteurs du barème ont choisi d’utiliser pour cela les unités de consommation de l’INSEE 8.

Afin de comprendre la mécanique du barème, détaillons le calcul par lequel a été obtenu le chiffre de 18 % indiqué en tête de la colonne prosaïquement intitulée « 1 enfant réduit » (4e colonne du barème, cas où le parent débiteur a un seul enfant et un temps de visite et hébergement « réduit »).

Les auteurs du barème ont d’abord utilisé les unités de consommation de l’INSEE (UC) pour calculer le coût relatif d’un enfant unique dans le budget d’une famille non séparée.
Le premier parent valant dans le système INSEE 1 UC, le second parent 0,5 UC et un enfant de moins de quatorze ans 0,3 UC, le coût relatif de l’enfant dans une famille composée de deux parents et un enfant de moins de quatorze ans est estimé à 0,3/(1+0,5+0,3) = 16,6 %. Ce qui signifie qu’on considère que 16,6 % du budget familial est consacré à l’enfant.
Un enfant de plus de quatorze ans valant dans le système INSEE 0,5 UC, son coût relatif dans une famille composée de deux parents et un enfant de plus de quatorze ans est estimé à 0,5/(1+0,5+0,5) = 25 %.
Ce coût relatif théorique de l’enfant dépend donc de son âge. Par souci de simplicité et de praticité, les auteurs du barème ont décidé de lisser ces valeurs. Plutôt que d’attribuer à l’enfant 0,3 UC ou 0,5 UC selon son âge, la valeur moyenne de 0,34 UC a été utilisée (moyenne pondérée par les âges). Ainsi, le coût d’un enfant dans une famille composée de deux parents et d’un enfant a-t-il été estimé à 0,34/(1+0,5+0,34) = 18,5 %9.
Valeur qui a finalement été arrondie à 18 % « pour faciliter la diffusion de la règle de calcul10 » (sic).

Le même processus de calcul a été réalisé pour obtenir les pourcentages pour « 2 enfants réduit », avec un résultat de 31,2 % arrondi à 31 % soit 15,5 % par enfant, et ainsi de suite pour « 3 enfants réduit », « 4 enfants réduit », etc.

Il est intéressant de remarquer que les pourcentages obtenus dépendent fortement des valeurs d’unité de consommation (en l’occurrence : 1 UC pour le premier parent / 0,5 UC pour le second parent / 0,34 UC pour un enfant). Or rien n’est moins précis, rien n’est moins scientifique, que ces dernières.

Les valeurs d’unité de consommation sont conventionnelles ; elles ont été fixées de manière essentiellement arbitraire. Les unités de consommation ont été pensées en tant qu’outils conventionnels destinés à comparer des niveaux de vie. Les bases empiriques permettant de fixer les valeurs des UC sont extrêmement fragiles, les études de terrain montrant de grandes variabilités de résultats11.

Utiliser les unités de consommation pour produire des montants financiers (ce pour quoi elles n’ont pas été conçues), qui plus est ayant vocation à imposer si ce n’est une norme tout au moins un cadre de référence, est extrêmement hasardeux.

Il existe d’ailleurs plusieurs systèmes d’unités de consommation (par exemple l’échelle d’Oxford attribue O,7 UC au second parent et 0,5 UC à un enfant de moins de quatorze ans). Celui choisi par les auteurs n’est que l’un d’entre eux. Utiliser un autre système d’unités de consommation aboutirait à des pourcentages différents pour le barème, et donc à des montants de pensions différents. Or aucun de ces systèmes n’est à proprement parler meilleur qu’un autre au sens où il refléterait mieux la réalité. Aucun de ces systèmes n’est scientifiquement mieux fondé qu’un autre, puisque ces systèmes sont conventionnels, avec des valeurs d’unité de consommation fixées arbitrairement à fins de comparaison relative et non de calcul de valeurs absolues.

Ainsi,

le choix des unités de consommation de l’INSEE plutôt qu’un autre système d’unités de consommation étant arbitraire,
les valeurs d’unité de consommation de l’INSEE étant elles-même arbitraires,
les résultats de ces choix, c’est à dire les montants du barème, sont arbitraires.

On peut dès lors s’interroger sur le satisfecit du ministère de la justice qui en 2012 communiquait sur la cohérence observée du barème avec les pratiques habituelles des juges12.

Le barème a-t-il été bien été créé sur la base d’études sérieuses prenant scientifiquement en compte besoins des enfants et ressources des parents, puis merveille, les chiffres du barème se sont révélés très proches des montants habituellement fixés par les juges (confortant ainsi ces derniers dans leur pratiques) ?
Ou bien le barème aurait-il été créé sur des bases de calcul et des choix largement arbitraires auxquels on aurait pu faire dire à peu près n’importe quoi, de telle sorte que ses résultats corroborent les pratiques existantes en matière de montant des pensions alimentaires ?

Constater d’un côté l’extrême fragilité des fondements du barème et de l’autre l’étonnante cohérence de ses montants avec les pratiques habituelles des juges laisse perplexe, cela d’autant plus que l’un des principaux auteurs du barème était lui-même juge aux affaires familiales13.

Temps de présence de l’enfant

Le barème est organisé en colonnes intitulées « réduit », « classique » et « alterné », qui renvoient, selon le site internet du barème, à l' »amplitude du droit de visite et d’hébergement ».

Colonnes « réduit »

Considérons la situation où il n’y a qu’un enfant.
La colonne intitulée « 1 enfant réduit » applique une proportion de ressources de 18 %.

Selon le principe du barème et selon son modèle de calcul que nous avons détaillés plus haut, ce chiffre de 18 % de ressources recouvre la totalité de ce que le parent débiteur doit consacrer à son enfant. Avant séparation, le parent consacrait un proportion théorique de 18 % de ses ressources à son enfant. Le principe du barème veut qu’après séparation le parent continue de lui consacrer 18 % de ses ressources.

En toute logique, les montant dans cette colonne correspondent donc à la pension alimentaire que doit payer un parent qui n’assumerait aucune autre contribution pour son enfant.
Autrement dit, les montants de cette colonne correspondent à la situation d’un parent totalement coupé de son enfant, n’ayant aucun temps de vie avec lui et ne contribuant même pas, par exemple, aux frais dits exceptionnels qui habituellement sont partagés entre les parents.

Le mot « réduit » en intitulé de colonne apparaît alors problématique.

Le site internet du barème indique que « réduit, classique et alterné correspondent à une amplitude du droit de visite et d’hébergement. »
L’expression « droit de visite et d’hébergement réduit » n’est définie par aucun texte normatif. Néanmoins, il ne fait aucun doute que sa signification habituelle, communément partagée par l’ensemble des professionnels des affaires familiales est : droit de visite et d’hébergement inférieur à un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires mais supérieur à une absence de droit de visite et d’hébergement. Pour toute personne quelque peu habituée au jargon des affaires familiales, parler de droit de visite et d’hébergement réduit, c’est parler d’un temps de présence parent-enfant d’environ 10 % à 20 %. En aucun cas cela ne peut évoquer un temps de présence de 0 %, ni même un droit de visite médiatisé.

Cet intitulé « réduit » est donc erroné, et trompeur.

Un juge qui, de bonne foi, appliquerait cette proportion de 18 % à, par exemple, un parent ayant un droit de visite et d’hébergement réduit à la moitié des vacances scolaires (ce qui représente un peu plus de 15 % de temps annuel) commettrait une injustice : ce parent paierait déjà avec la seule pension alimentaire la totalité de sa contribution théorique selon le barème, et en sus il contribuerait directement pendant les 15 % de temps annuel où son enfant est avec lui.

Plus grave encore, le guide pratique du barème – mais plus généralement l’ensemble des documents accompagnant la diffusion du barème – se contente d’indiquer que « réduit » correspond à « un temps de résidence inférieur à 25 % »14.

À la lecture du barème, à la lecture des documents comme le guide pratique du barème, qui comprendra que temps de résidence réduit correspond en réalité à une absence totale de temps de résidence, et plus précisément à une absence totale de contribution pour l’enfant hors pension alimentaire ? Personne ! et probablement pas les juges aux affaires familiales eux-mêmes !
Décortiquer les documents ayant servi à la création du barème en 2007 et 2008 nous a demandé de nombreuses heures de travail. Sans cela, il est impossible de comprendre comment ont été obtenus les montants du barème et quelle est leur distance à la réalité des situations. Il est hélas probable que la plupart des juges aux affaires familiales qui utilisent le barème dans leur pratique professionnelle quotidienne se trompent lourdement sur la réelle signification des montants inscrits dans les colonnes intitulées « réduit ».

Pourtant, une présentation du barème cohérente avec son principe et ses calculs aurait été possible. L’intitulé de colonne aurait pu être par exemple : « rupture du lien parent-enfant ».
Le guide pratique du barème aurait alors pu indiquer que cette colonne correspond à une situation de rupture complète de lien financier parent-enfant hors pension alimentaire, et par conséquent que les montants à appliquer pour un droit de visite et d’hébergement réduit sont des montants intermédiaires, à chercher dans un continuum entre les montants de cette colonne et ceux de la colonne suivante (colonne intitulée « classique »).

Ce faux-sens d’intitulé de colonne est tellement grossier qu’on reste confondu que les auteurs du barème aient pu le commettre. Et il est consternant que le ministère de la Justice publie depuis 2010 un barème dont la présentation est erronée et trompeuse.
Potentiellement, ce sont au fil des ans des dizaines de milliers de parents ne bénéficiant que d’un droit de visite et d’hébergement réduit auxquels auront été injustement fixé des pensions alimentaires plus élevées que ne le voudraient le principe et le modèle de calcul du barème.

Colonnes « classique »

La façon dont ont été obtenus les pourcentages des colonnes intitulées « classique » mérite aussi de s’y arrêter.

Un droit de visite et d’hébergement dit « classique » correspondant à environ 25 % de temps annuel, les auteurs du barème n’y sont pas allés par quatre chemins : ils ont tout simplement appliqué une décote de 25 % sur la pension alimentaire par rapport à la valeur théorique calculée pour le cas d’un parent n’ayant plus aucune relation avec son enfant. Ainsi, par exemple, pour un seul enfant, 18 % multiplié par 0,75 est bien égal à 13,5 %, qui est la proportion de la colonne « 1 enfant classique ».

Aucune justification un tant soit peu argumentée de cette décote de 25 % n’est donnée par les auteurs du barème dans les différents documents explicatifs qu’ils ont laissés.

Ce calcul simpliste a pour hypothèse sous-jacente que le coût d’un enfant serait proportionnel à son temps de résidence. Hypothèse bien évidemment fausse. Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre que la plupart des parents qui hébergent leur enfant 25 % de temps annuel assument des dépenses largement supérieures à 25 % du coût annuel de l’enfant, car, entre autres :
– certains coûts ne sont pas dépendants du temps d’hébergement (par exemple le financement d’une chambre supplémentaire sur toute l’année),
– le droit de visite et d’hébergement s’exerce sur des week-ends et des vacances, périodes pendant lesquelles les dépenses sont nettement plus importantes que pendant le reste de l’année,
– le parent non résident a le plus souvent l’entière charge des transports entre les domiciles parentaux.
Pour une discussion plus approfondie de ces questions, voir notre page consacrée à la contribution du parent non résident.

Là encore, on reste confondu devant ce qu’on pourrait qualifier d’étonnante naïveté.
Une démarche rigoureuse nécessiterait d’étudier les surcoûts respectifs du parent non résident et du parent résident pour tenter d’en extraire une correspondance entre temps de présence de l’enfant et coût de l’enfant. Les surcoûts du parent non résident étant à l’évidence nettement supérieurs à ceux du parent résident, cette correspondance n’a aucune chance de s’avérer linéaire.
Les auteurs du barème n’avaient sans doute pas les moyens de réaliser une telle étude rigoureuse. À défaut, il ont choisi d’appliquer une décote arbitraire. Mais a minima, d’une part il aurait fallu expliciter ce choix, d’autre part il aurait fallu pour être crédible utiliser un pourcentage de décote plus élevé, le chiffre de 25 % n’étant pas tenable. 

Rien dans le barème ni dans ses documents d’accompagnement n’alerte sur le fait que cette décote de 25 % est arbitraire, ne repose sur aucune recherche ou étude, qu’elle est largement sous-estimée, et donc qu’il faut lire les montants des colonnes « classique » comme représentant des valeurs hautes (et sûrement pas des valeurs moyennes comme le barème le laisse implicitement, et faussement, entendre) devant être modulées à la baisse en fonction de la situation à juger.

Si un juge applique un montant de colonne « classique » à un parent non résident qui tout simplement assume son rôle et ses obligations de parent (relativement à son niveau de ressources : mettre à disposition de son enfant de bonnes conditions de vie à son domicile, partager avec lui des week-ends et vacances, prendre en charge la moitié des frais scolaires et extra-scolaires…) et donc assure déjà hors pension alimentaire plus de 25 % des besoins de l’enfant, il commet une injustice relativement aux principe et modèle de calcul du barème.

Mais un autre problème, plus grave encore, doit être signalé : le barème n’applique cette décote qu’au seul parent débiteur.

Considérons toujours à titre d’exemple le cas où il n’y a qu’un enfant. L’enfant étant 75 % du temps avec le parent résident, le barème considère que le parent non résident doit verser en pension 75 % du total de ce qu’il est censé consacrer à l’enfant sur ses ressources, soit 75 % de 18 %, soit le 13,5 % de la colonne « classique ».

Mais le même raisonnement doit alors être appliqué au parent résident !

L’enfant étant 25 % du temps avec le parent non résident, selon la logique même du barème, le parent résident devrait verser au parent non résident 25 % de 18 % de ses propres ressources (soit 4,5 %). Autrement dit, un montant correspondant à 4,5 % des ressources du parent résident (déduction faite du minimum vital) devrait être soustrait du montant de pension indiqué par le barème15. Ne pas réaliser cet ajustement est tout simplement une imposture ! Si on applique le principe et le modèle de calcul du barème, il faut les appliquer intégralement.

Colonnes « alterné »

Les colonnes intitulées « alterné » suivent la même logique naïve de linéarité supposée du coût de l’enfant par rapport à son temps de présence : les montants dans ces colonnes sont tout simplement diminués de moitié par rapport au cas d’un parent n’ayant aucune relation avec son enfant (décote de 50 %). Ainsi, par exemple, le pourcentage appliqué par la colonne « 1 enfant alterné » est de 9 % (soit la moitié des 18 % de la colonne « 1 enfant réduit »).

Remarquons tout d’abord que l’intitulé « alterné » est incorrect. Lorsqu’on étudie en détail le barème, il ressort que ces colonnes ont été destinées à correspondre à des situations où l’enfant passe la moitié de son temps avec chacun des parents. Or, d’une part, le droit n’impose pas qu’une résidence alternée répartisse le temps de manière équitable ; il existe des résidences alternées dans lesquelles l’enfant passe, par exemple, 40 % de son temps au domicile d’un parent et 60 % au domicile de l’autre parent. D’autre part, il existe des droits de visite et d’hébergement très élargis qui s’approchent d’une répartition temporelle équitable.
Ces colonnes auraient dû être intitulées « répartition du temps 50/50 » pour  ne pas porter à confusion.

Mais ce qui surtout pose problème est que les montants qui y sont indiqués n’ont aucun sens.
Si comme nous l’avons vu pour les colonnes « classique » la décote de 25 % est arbitraire, sous-estimée et erronée dans son application car ne prenant pas en compte le temps où le parent résident confie l’enfant au parent non résident, on atteint avec les colonnes « alterné » et leur décote de 50 % quelque chose qui confine à l’absurde.

Considérons une situation où un enfant unique est en résidence alternée à égalité de temps chez chacun de ses parents, le temps étant équitablement réparti dans l’année (périodes scolaires, vacances, week-ends répartis par moitié). Les parents ont chacun les mêmes droits et devoirs envers l’enfant. L’enfant bénéficie de la double résidence ; il réside chez chacun d’eux. Les dépenses assumées par chacun des parents pour contribuer aux besoins de leur enfant sont analogues.

Si les niveaux de ressource respectifs des parents ne présentent pas une disparité telle que cela mettrait l’enfant en difficulté, il n’y a pas lieu à pension alimentaire. Dans le cas contraire, le juge peut considérer que l’intérêt de l’enfant commande de recourir à une pension alimentaire pour améliorer ses conditions de vie chez le parent le moins fortuné.

Décider de la nécessité d’une pension alimentaire, puis évaluer son montant, ne peut donc bien évidemment se faire qu’en fonction des ressources respectives des deux parents.
Les auteurs du barème ayant fait dès le départ le choix de construire un barème qui ne prend en compte que les revenus du seul débiteur 16 , il leur était tout simplement impossible d’apporter une réponse sensée à ces questions.

Le résultat est que, si on suit le barème et son étrange logique de décote, un parent bénéficiant d’une résidence alternée qui prend en charge son enfant la moitié du temps et assure la moitié des dépenses doit payer une pension alimentaire égale à 50 % de celle d’un parent totalement coupé de son enfant. C’est tout simplement absurde !

Et puis, en n’ayant connaissance des ressources que d’un seul parent, comment déterminer en situation de résidence alternée lequel doit verser une pension à l’autre ? Les auteurs du rapport tentent de répondre à cette dernière question mais, coincés dans leur choix intenable de ne pas prendre en compte les ressources du débiteur, ils s’enfoncent dans des arguties irrationnelles17.

Non prise en compte des aides au titre des enfants

Les ressources du parent résident ayant été évacuées du barème, les diverses aides que celui-ci perçoit au titre des enfants (allocations familiales, aides fiscales, aides municipales, départementales ou régionales, chèques vacances, etc.) ne sont pas prises en compte.

Pourtant, ces aides diminuent de manière significative la charge de l’enfant. Notre page consacrée à l’étude de situations types de pensions alimentaires inéquitables met en évidence l’incidence majeure que ces aides ont sur la contribution respective de chacun des parents.

Calculer la pension alimentaire sans les prendre en compte est une imposture. Cela conduit inévitablement à un fort déséquilibre au détriment du parent non résident. Aucun barème qui se voudrait raisonnablement juste ne peut en faire abstraction18.

En conclusion

L’étude du barème, de son modèle de calcul et des principes sur lesquels il repose, montre que les montants qu’il affiche sont essentiellement arbitraires.

Le barème ne relève pas d’une démarche scientifique fiable. Beaucoup des raisonnements avancés par les auteurs pour justifier leurs choix sont extrêmement fragiles. Le principe fondamental du barème n’est pas un principe juridique ou économique mais un principe moral. Certains calculs sont tout bonnement faux par refus obstiné de prendre en compte les ressources du parent bénéficiaire. La présentation du barème est trompeuse avec des intitulés de colonne erronés. Le guide du barème qui accompagne sa diffusion est trompeur sur la réelle signification des montants et la façon dont ceux-ci doivent être utilisés. La conformité à la loi de l’ensemble est plus que discutable.

La démarche qui a conduit à la réalisation de ce barème semble étrange. De prime abord, son usager, qu’il soit justiciable ou professionnel des affaires familiales, croit probablement avoir devant les yeux le résultat de solides études économiques et scientifiques. Le ministère et les auteurs du barème tentent de nous faire croire que les montants résultent de calculs irréfutables, et que le fait que ces chiffres soient très proches des montants moyens habituellement fixés par les juges est la preuve du bien fondé des uns et des autres. Las, il apparaît de manière assez évidente que la démarche en a été inverse. Tout porte à croire que les auteurs du barème sont en réalité partis des montants moyens habituellement fixés par les juges, et ont fait en sorte que leurs calculs (auxquels on pourrait faire dire à peu près n’importe quoi) collent avec ces montants observés.

Nous annoncions en préambule que tout barème des pensions alimentaires ne peut être qu’imparfait, et ne peut éviter un certain écart par rapport au réel. Certes, mais il convient de s’interroger sur l’ampleur de cette imperfection et de cet écart au réel. Ici, l’ampleur est telle que les chiffres n’ont aucun sens économique, judiciaire ou scientifique.

Alors, quel sens portent donc les montants du barème ?
Celui de tenter de faire taire les revendications des parents non résidents, et de leur imposer par argument d’autorité un statu quo de pensions alimentaires trop élevées qui engendrent des situations financières inéquitables et injustes (voir notre page consacrée à l’étude de situations types de pensions alimentaires inéquitables).

L’idée d’un barème n’est pas forcément mauvaise en soi.
En l’absence d’un système de valeurs de référence partagées l’arbitraire domine, chaque juge ayant en tête ses propres échelles plus ou moins intuitives, ses propres méthodes de calcul plus ou moins formalisées, ses propres habitudes. Dans ces conditions, la fixation du montant de la pension alimentaire relève assez largement de la loterie.
Un barème peut concourir à améliorer la cohérence des décisions de justice, ce qui est en soi un objectif appréciable.

Mais encore faut-il que le barème choisi soit solide, équitable, juste19.

C’est hélas loin d’être le cas…

Notes :

1  La circulaire du 12 avril 2010 qui a accompagné la diffusion du barème relève :
« Les litiges concernant le montant de la contribution aux frais d’éducation et d’entretien des enfants constituent un contentieux de masse […] qui mobilise une partie importante des moyens de la justice aux affaires familiales.
[…] on peut constater une relative disparité des montants alloués selon les juridictions, ainsi qu’une certaine incompréhension des décisions rendues en la matière.
[…] En fournissant aux parties et aux juges une référence pour fixer le montant de la pension alimentaire, [le barème] introduit un élément objectif dans le débat qui favorise la conclusion d’un accord ou facilite le débat judiciaire. En outre, une meilleure compréhension et une plus large acceptation du montant de la pension faciliteront son exécution spontanée. »
Circulaire du Ministère de la Justice du 12 avril 2010 (disponible sur le site de Jean-Claude Bardout), p. 2.

2  La circulaire du 12 avril 2010 qui a accompagné la diffusion du barème (voir note précédente) prend soin de préciser : « Ce référentiel a une valeur purement indicative […]. », ibid., p. 2.
D’autre part, dans une note explicative publiée en 2008, les auteurs du barème indiquent :
« […] l’outil proposé poursuit une ambition modeste : il ne s’agit pas d’imposer une norme à tous mais de proposer une référence commune que les parties comme les praticiens pourront utiliser pour fixer les contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants. Cette référence reste soumise à la discussion […] les montants qu’elle propose ne s’imposent ni aux parents et à leurs éventuels avocats, ni aux magistrats. »
Jean-Claude Bardout, Cécile Bourreau-Dubois, Isabelle Sayn. Fixer le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants : proposition d’un outil d’aide à la décision : note explicative. [Rapport Technique] Ministère de la Justice. 2008, p. 6.
Document téléchargeable sur le site des Archives ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01515272.

3  La Cour de cassation a pris position en ce sens.
Une décision de la cour d’appel d’Angers qui avait fixé une pension alimentaire en prenant appui sur le barème a été cassée en ces termes : « [E]n fondant sa décision sur une table de référence, fût-elle annexée à une circulaire, la cour d’appel, à laquelle il incombait de fixer le montant de la contribution litigieuse en considération des seules facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci, a violé, par fausse application, [l’article 371-2 du code civil]. » Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 octobre 2013, pourvoi 12-25.301.

4  Jean-Claude Bardout, Des Tables françaises de références pour fixer les contributions aux frais d’éducation et d’entretien des enfants de parents séparés, étude préalable, 2007. Ce document, publié initialement sur le site web de la cour d’appel de Toulouse, est téléchargeable sur le site Paternet : http://paternet.fr/wp-content/uploads/pdf/2007/10/20071000-bardout-jean-claude.pdf.

5  Jean-Claude Bardout, Cécile Bourreau-Dubois, Isabelle Sayn, Fixer le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants : proposition d’un outil d’aide à la décision : note explicative. [Rapport Technique] Ministère de la Justice. 2008, p. 10.
Document téléchargeable sur le site des Archives ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01515272.

6  Le barème s’arrête à 5000 euros de ressources mensuelles, les auteurs indiquant que : « L’outil d’aide à la décision proposé est mal adapté pour [les hauts revenus].  […] Il a donc été décidé de ne pas proposer de montant de pension alimentaire au-delà du seuil de 5 000 euros de revenus mensuels » (ibid., p. 19.). Notre remarque cependant s’applique à des niveaux de ressources bien inférieurs à 5 000 euros.

7  Ibid., p. 19, voir section « Laisser un revenu minimum au débiteur de la contribution »
« […] Il a été choisi de laisser à tous les débiteurs un minimum vital correspondant à ce que notre société considère comme un revenu minimum, soit le montant du RMI pour une personne seule […] ».

8  Ibid., p. 7 et suiv.
Voir aussi : Cécile Bourreau-Dubois et al., « Evaluation de la mise en place d’une table de référence pour le calcul de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants », Dossier d’études n°141, Caisse d’Allocation Familiale, juin 2011, p. 23 et suiv.
Voir aussi : Jean-Claude Bardout (2007), op. cit. (voir note n° 4), annexe II « Eléments d’évaluation des besoins de l’enfant », p. 26 et suiv.

9  Ibid., p. 8 et suiv. pour le calcul des pourcentages à partir du système des UC de l’INSEE. Voir aussi le tableau récapitulatif p. 15.
Cette proportion de 18,5 %, appliquée à la situation d’après séparation, nous parait à vrai dire plutôt basse. La séparation dédoublant certaines dépenses, il nous semble a priori probable que, hors aides, chaque parent consacre en réalité à l’enfant une part plus importante de son budget. Augmenter le pourcentage de 18,5 % conduirait, dans le modèle de calcul du barème, à une augmentation des montants de pension pourtant déjà beaucoup trop élevés. Le modèle de calcul du barème est cependant erroné, comme nous l’expliquons dans la suite de cette page.

10  Ibid., p. 14.

11  Henri Martin, « Calculer le niveau de vie d’un ménage : une ou plusieurs échelles d’équivalence ? », in Economics and statistics n° 491-492, 2017.

12 Isabelle Sayn, Bruno Jeandidier, Cécile Bourreau-Dubois, « La fixation du montant des pensions alimentaires : des pratiques et un barème« , Infostat Justice n° 116, mars 2012.
On remarquera que deux des auteurs de cette publication dont l’objet est d’évaluer le barème ont fait partie du groupe de travail qui a créé le barème…

13 Le barème a été conçu par :
Jean-Claude Bardout, juge aux affaires familiales, vice-président au TGI de Saint-Gaudens (il a manifestement été le principal acteur de l’élaboration du barème),
Cécile Bourreau-Dubois, maître de conférences en sciences économiques,
Isabelle Sayn, chargée de recherche CNRS en sociologie et sciences du droit.

14 Fixer le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Guide pratique édité par le ministère de la Justice. Document téléchargeable sur le site du magistrat Jean-Claude Bardout. p. 2.
Les autres documents accompagnant la diffusion du barème, comme par exemple la circulaire du 12 avril 2010 (voir notre note n° 1) définissent de même « réduit » comme correspondant à un « temps de résidence » inférieur à 25 % du temps de résidence global.
Incidemment, on remarquera que, étrangement, ces documents pourtant issus du Ministère de la Justice parlent de temps de « résidence » alors que le vocabulaire juridique en vigueur est « hébergement ». Les parents frappés de déchéance de résidence acquiesceront. Ils demandent en effet à que le vocabulaire de résidence se généralise et que l’infâme qualification d’hébergement disparaisse des textes.

15 Le cas où les ressources du parent résident sont beaucoup plus élevées que celles du parent non résident est particulièrement intéressant à examiner à la lumière de cette remarque. Supposons que, dans le cadre d’un droit de visite et d’hébergement dit « classique », les ressources du parent résident soient de 5 000 euros mensuels tandis que celles du parent non résident correspondent à un salaire au SMIC, soit environ 1 220 euros mensuels. Le niveau de vie de l’enfant pendant 25 % de sa vie est alors très inférieur à son niveau de vie le reste du temps.
Lorsque la justice doit fixer une pension alimentaire, elle doit se prononcer :
1. En fonction de l’intérêt de l’enfant, qui doit être considéré primordial comme le veut l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Une aussi forte disparité de conditions dans la vie de l’enfant apparaît contraire à son intérêt.
2. En fonction de l’article 371-2 du code civil selon lequel chaque parent doit contribuer aux besoins de l’enfant à proportion de ses ressources. Or, il semble assez probable que le parent qui n’a que 1 220 euros de ressources dépense pour les 25 % de temps de son enfant une proportion de ressources supérieure à celle du parent qui dispose de 5 000 euros pour 75 % du temps.
Ainsi, en application de la convention relative aux droits de l’enfant et en application du code civil, le juge doit fixer une pension alimentaire à verser par le parent résident au parent non résident. Le barème viole la convention relative aux droits de l’enfant ainsi que le code civil puisqu’il prévoit que ce soit le parent non résident qui verse, sur ses 1 220 euros de ressources, 86 euros mensuels au parent résident.

16 Page 11 de la notice explicative du barème (op. cit., 2008), Jean-Claude Bardout, Cécile Bourreau-Dubois et Isabelle Sayn justifient le choix de ne pas prendre en compte les ressources du bénéficiaire en montrant qu’avec ou sans cette prise en compte le résultat est le même. Ils oublient de préciser que leur raisonnement n’est juste que pour calculer, relativement à leur modèle, le montant de contribution d’un parent n’ayant aucun contact avec son enfant (colonne « réduit » du barème). Dès que le parent prend en charge directement une partie de contribution (par exemple en cas de droit de visite et d’hébergement ou de résidence alternée), ce raisonnement est faux.  

17 Pages 13 et 14 de leur notice explicative (op. cit., 2008), les auteurs du barème détaillent  deux cas où selon eux il y a lieu à versement d’une pension alimentaire en situation de résidence alternée. Le premier cas, qui motive l’existence d’une pension alimentaire par le fait qu’un des parent n’assurerait pas la totalité de ses devoirs liés à la résidence alternée, n’a aucune pertinence. D’une part de tels cas sont probablement très rares, d’autre part dans de tels cas ce ne serait probablement pas la pension alimentaire qui servirait de variable d’ajustement mais la résidence alternée elle-même qui serait remise en cause. Le second cas, qui motive l’existence d’une pension alimentaire par la situation d’un des parent qui serait en incapacité d’assurer les frais de la résidence alternée, est plus intéressant. Il s’agit cependant d’un cas limite qui ne représente sûrement pas la majorité des situations. Ce qui saute aux yeux est que les auteurs du barème prennent bien soin de ne pas discuter le cas où les parents ont tous deux les capacités d’assurer les frais de la résidence alternée, mais ont des niveaux ressources suffisamment différents pour que le juge puisse souhaiter exercer un rééquilibrage. Ce cas est sans aucun doute, et de loin, bien plus fréquent que les deux cas précédents. Sa résolution nécessite cependant de prendre en considération les ressources des deux parents. Empêtrés dans leur choix de ne considérer que les ressources du parent débiteur, les auteurs du barème ont purement et simplement passé sous silence le cas majoritaire… 

18 Les auteurs du barème relèvent pourtant que :
« [La Cour de cassation admet] que les juges pourraient prévoir expressément l’imputation des sommes allouées au titre des allocations familiales du montant de la somme versée au titre de la [pension alimentaire]. » (op. cit., 2008, note de bas de page n° 26 p. 17)
ainsi que :
« Dans deux arrêts inédits du 25 janvier 2005, la Cour de cassation réaffirme que les allocations familiales (pourvoi n° 02-15500) comme les prestations familiales (pourvoi n° 02-13376) ‘ne peuvent être considérées comme des revenus bénéficiant à l’époux qui les perçoit’, ces sommes servant ‘à financer l’entretien des enfants du couple’. » (ibid.)
Le positionnement du barème, qui est de ne pas tenir compte de ces aides dans le calcul du montant de la pension car les considérant comme « subsidiaires aux capacités contributives des parents » (ibid.), nous paraît aberrant et en totale contradiction avec les prises de position de la Cour de cassation.

19 Un barème – ou plutôt un modèle de calcul des pensions alimentaires – juste et équitable ne peut pas être aussi simpliste. Par exemple, certains paramètres comme les ressources du parent bénéficiaire ou les aides au titre de l’enfant ne peuvent pas être écartés.

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