Masculinités.fr a consacré une page au niveau de vie des parents avant et après séparation. Le niveau de vie est une notion exclusivement économique. Cependant, et fort heureusement, les relations entre parents et enfants ne se réduisent pas à des questions d’argent.
Nous nous intéressons dans cette page à la qualité de vie, et plus précisément à l’incidence de nos enfants sur notre qualité de vie, à nous parents. Ce livre étant consacré aux séparations parentales, que pouvons-nous dire de la qualité de vie des parents avant et après séparation ?
En toute généralité, la qualité de vie est un concept multidimensionnel, qui inclut par exemple des considérations sur la santé des individus. Nous ne nous intéresserons ici qu’aux questions relatives aux relations intrafamiliales.
L’immense majorité d’entre nous ne faisons pas des enfants pour des raisons économiques.
Mais pourquoi faisons-nous des enfants ?
Tout d’abord parce que la reproduction est indissociable du vivant, dont nous faisons partie. Donnons, une fois n’est pas coutume, la parole à une psychanalyste :
« C’est une question qui nous dépasse. Le vivant est prévu pour se reproduire. Ce qu’on appelle le désir d’enfant, c’est la formule moderne de l’élan vital qui nous traverse tous à un moment donné. » (Interview de Monique Bydlowski par NEON Magazine.)
En tant qu’espèce nous avons collectivement en nous cette force vitale.
Mais en tant qu’individus ?
Certains ne veulent pas d’enfants. C’est leur choix. Mais pour la plupart d’entre-nous c’est un besoin, une envie, qui nous étreint à un moment ou un autre de notre vie d’adulte.
Le mensuel Philosophie Magazine a fait réaliser un sondage auprès des français :
« Il en est ressorti trois grandes raisons d’engendrer couramment avancées : le plaisir, ou la joie que procurera la présence de l’enfant ; le devoir, la volonté de transmettre des valeurs, un nom, une histoire ; et enfin l’amour. » (Philosophie Magazine, Pourquoi fait-on des enfants ?)
Cela nous paraît constituer un bon point de départ à notre réflexion. Sur cet immense sujet, on pourrait convoquer les grands auteurs et disserter des livres entiers. Mais notre objectif est plus modeste quoique important : tenter de cerner la perte fondamentale de qualité de vie qui s’abat sur le parent éloigné de ses enfants.
Reprenons les trois raisons relevées par Philosophie Magazine.
L’amour dont il est question ici est celui par lequel deux êtres complémentaires conçoivent un enfant, fruit de leur union. Ce n’est bien sûr pas la moindre des trois raisons. Nous n’en traiterons pourtant pas dans le cadre de cette page, notre travail étant focalisé sur l’après séparation parentale.
Sondons plus avant les deux autres raisons.
Le plaisir, ou la joie que procurera la présence de l’enfant
Notre époque aime à rappeler qu’être parent n’est pas une sinécure. Cela est vrai sans doute, mais être parent ce sont aussi d’immenses joies, du bonheur.
Il y a les contraintes, les nuits hachées, les difficultés de l’éducation… Mais il y a aussi, et surtout, tous ces moments merveilleux, tous ces moments de grâce.
Nous faisons des enfants pour la joie de leur présence, de leur présence au quotidien, à chaque pas partagé, main dans la main.
Priver un parent de la présence de son enfant, c’est le priver de sa joie — de sa joie de vivre.
Alors, que dire de la qualité de vie du parent-pointillé, celui qui s’est retrouvé réduit, quelles qu’en soient les raisons, quels que soient la mécanique et les déterminismes qui l’y ont conduit, à deux tout petits jours de week-end toutes les deux semaines. Que dire, si ce n’est qu’il s’agit d’une qualité de vie fortement dégradée, tellement dégradée. Et que dire de ceux qui n’ont même pas droit à ce service minimum parental ?
Le devoir, la volonté de transmettre des valeurs, un nom, une histoire
Un enfant s’inscrit dans une histoire : une histoire transgénérationnelle dont les pages s’ancrent, et s’encrent, dans le quotidien.
Est-il nécessaire d’en appeler à la science pour établir l’impérieux besoin de transmettre qui habite l’immense majorité des parents, même les plus défaillants parfois ?
Et, sérieusement, que peut-on espérer transmettre en deux petits jours de temps à autres ? Et que peuvent espérer transmettre ceux qui voient moins encore leurs enfants ?
Tous ces parents font ce qu’ils peuvent dans le trop peu d’espace temporel auquel ils sont réduits. Ils en savent l’exiguïté, les limites, les insuffisances. Ils ressentent, vivent, l’oppression et le manque dans leur chair.
Un parent empêché de pleinement transmettre des valeurs, une histoire familiale, un nom même… est un parent profondément blessé, mutilé. Sa qualité de vie est envahie de cette meurtrissure primordiale.
Qualité de non-vie
Un parent réduit à ne vivre avec son enfant qu’un quotidien insuffisant pour que la transmission pleinement se fasse, pour que la joie pleinement demeure, est amputé d’une partie de lui-même.
Sa vie est tellement dévastée qu’on devrait parler de qualité de non-vie.
On entend beaucoup parler du niveau de vie des familles dites monoparentales (quel vocabulaire horrible !). Beaucoup prétendent les mères séparées victimes de pères qui baigneraient dans l’opulence.
On prend bien peu en considération la qualité de vie, ou plutôt de non-vie, de l’autre. De cet autre que l’on peine presque à qualifier encore de parent tellement on l’a décrédibilisé aux yeux de tous, aux yeux de ses enfants, à ses propres yeux.