Ancienne version publiée le 5 juin 2019


Lectures

Cette page est destinée à présenter des livres et conseiller des lectures.

« Quels pères ? Quels fils ? », Evelyne Sullerot, Editions Fayard, 1992

S’il faut n’en lire qu’un c’est ce livre là !

Evelyne Sullerot, sociologue, militante féministe et co-fondatrice du planning familial s’est intéressée à la condition paternelle. Elle a publié en 1992 ce qui demeure encore aujourd’hui le meilleur ouvrage sur la question. Ce livre n’a – hélas – quasiment pas pris une ride. Seule la loi de 2002 sur la résidence en alternance et l’autorité parentale conjointe est venue depuis constituer une très relative avancée. Les causes et effets qu’analyse Evelyne Sullerot avec sa rigueur de sociologue et la pertinence de son regard tentant d’embrasser – qualité rare – les problématiques des hommes comme celles des femmes, restent presque trente ans plus tard d’une actualité éclatante.

« Paternités imposées », Mary Plard, Editions Les liens qui libèrent, 2013

Mary Plard, avocate et féministe engagée, confrontée à des hommes qui lui demandent de les défendre dans des situations de paternités imposées, se laisse bousculer dans ses convictions. Elle écoute ces hommes, entend leur désespoir et leur souffrance, touche du doigt le piège dans lequel ils sont tombés, le piège dans lequel une femme les a fait tomber. Le livre met l’accent sur le cheminement de l’auteure, sur ses réflexions et tensions entre activisme féministe et reconnaissance de la situation tragique de ces hommes trompés, trahis, violés, sur son envie de les aider.

Ce livre est intéressant tout d’abord parce qu’il est un rare témoignage sur cette question tabou des paternités imposées ; même si l’accent est plus mis sur le cheminement de l’auteure que sur les témoignages eux-mêmes.

Ce livre est intéressant aussi pour les réflexions et questionnements que porte Mary Plard sur la paternité, la maternité, l’égalité (ou plutôt les inégalités) entre père et mère, leur inscription dans la loi et dans les pratiques judiciaires.

Ce livre est intéressant enfin dans la tension qui parcourt tout l’ouvrage entre féminisme et reconnaissance de la souffrance de ces hommes dont la paternité a été volée par une femme. Tension que Mary Plard ne surmonte pas complètement, persistant dans les non dits du texte à considérer, en creux, les hommes comme suspects par défaut de séduire des femmes pour les délaisser. Mary Plard n’échappe pas complètement à la tentation morale qu’elle dénonce pourtant tout au long du livre. En particulier, elle ne va pas jusqu’à reconnaître explicitement à ces hommes un statut de victime, et à ces femmes un statut de coupable. Cela en dit long sur la prégnance des tabous que l’auteure dénonce mais desquels elle-même ne s’extrait pas entièrement.

Pourquoi Mary Plard s’est-elle sentie obligée d’ajouter à son livre le portrait d’un homme pervers, manipulateur, décrit en un personnage particulièrement odieux ? Bien sûr il existe des hommes pervers, et il existe des femmes perverses. Mais le portrait de Didier dans ce livre (chapitre V) n’est-il pas là pour satisfaire la bonne conscience de la militante féministe, et rappeler le besoin impérieux de désigner l’homme comme forcément coupable en dernier ressort ? Car quel en est le message subliminal ? Oui, les paternités imposées existent. Oui, cela est d’une gravité extrême et provoque des souffrances insupportables. Mais voyez Didier ! quelle ordure celui-là ! Le chapitre Didier vient à point nommé contrebalancer et contredire subjectivement le message objectif du livre. Et le lecteur de refermer le livre sain et sauf de sa bonne conscience : les cas de Paul, Georges, John, Moshé certes interpellent ; c’est bien triste pour eux ; compatissons un instant. Mais vous savez, il y a surtout tous ces salauds qui profitent des faibles femmes…